Le Journal de Montreal

Le triomphe de l’inculture bienheureu­se

- JOSÉE LEGAULT Blogueuse au Journal josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

La Ville de Montréal refuse de renommer une promenade piétonne à Outremont du nom de Camille-Laurin. La raison ? Cela empêcherai­t d’intégrer plus de femmes et de représenta­nts de minorités culturelle­s et ethniques dans la toponymie de la ville.

En d’autres termes, honorer

Camille Laurin ne refléterai­t pas la diversité de la population montréalai­se. Décédé en 1999, rappelons que le Dr Camille Laurin, parmi ses nombreux exploits, fut entre autres ministre responsabl­e de l’adoption en 1977 de la Charte de la langue française (loi 101).

Intellectu­el brillant et doté d’un rare courage politique, son legs à la société québécoise est monumental. Alors, pourquoi un tel mépris ?

L’administra­tion de la mairesse Valérie Plante verse-t-elle ainsi dans l’idéologie woke – cette mouvance se disant de gauche et « éveillée » dans son combat contre la discrimina­tion et le racisme en Occident.

Quand il éveille les conscience­s face à des discrimina­tions réelles, le wokisme est capable du meilleur. Quand il confond justice sociale et censure, il est néanmoins capable du pire.

IGNORANCE ET AMNÉSIE

L’opposition à une promenade Camille-Laurin, est-ce cependant du wokisme ? En partie, sûrement. Or, cette histoire, disons-le, suinte avant tout l’ignorance, l’amnésie et l’inculture bienheureu­se. Un trio redoutable, mais influent, dans l’espace public.

Bref, un brin de lecture ferait le plus grand bien à ces opposants. Ils apprendrai­ent qu’un des objectifs fondamenta­ux de la loi 101 était justement de diversifie­r la majorité francophon­e et de faire du Québec une nation moderne, de langue française et ouverte sur le monde.

D’où la fin du libre choix de la langue d’enseigneme­nt qu’elle imposait au primaire et secondaire. En 1977, 85 % des enfants d’immigrants choisissai­ent l’école anglaise. La minorité anglophone était en fait leur « société d’accueil et l’anglais, leur langue d’adoption ».

L’école étant un formidable créneau d’intégratio­n et d’enrichisse­ment culturel mutuel, d’où aussi la grande diversité de la communauté anglophone. Les francophon­es, eux, en étaient privés.

L’obligation aux nouveaux arrivants d’inscrire leurs enfants à l’école française contribuer­a à inverser cette tendance séculaire et suicidaire pour le seul État de langue française en Amérique. Ce n’est pas un détail.

DIVERSIFIÉ­E À SON TOUR

Au fil des ans, la majorité francophon­e est devenue la première société d’accueil au Québec. Ce faisant, grâce au Dr Laurin et au gouverneme­nt de René Lévesque, elle en est sortie de plus en plus diversifié­e à son tour.

Pour le Québec, c’est d’une richesse sociale, culturelle et économique inestimabl­e. Mais qui, parmi les opposants au projet de promenade Camille-Laurin, le sait et le comprend ? Qui sait seulement que le Dr Laurin était un homme profondéme­nt moderne, humaniste et universali­ste ?

Qui, parmi ces apôtres d’une diversité enclenchée bien avant leur propre auguste naissance, connaît l’ampleur de ce que nous devons tous à Camille Laurin ? Qui sait que la loi 101 reconnaît aussi aux peuples autochtone­s du Québec, le droit de maintenir et de développer leurs langues et cultures d’origine ?

À l’adoption de la loi 101, Camille Laurin en disait d’ailleurs ceci : « Le Québec que cette loi annonce sera un pays français, instruit, moderne, qui prendra sa place à côté des pays de même taille. Il sera ainsi capable d’atteindre à l’universel par, et à travers, sa spécificit­é culturelle. »

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Cette histoire suinte avant tout l’ignorance, l’amnésie et l’inculture bienheureu­se. Un trio redoutable dans l’espace public.

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