Le triomphe de l’inculture bienheureuse
La Ville de Montréal refuse de renommer une promenade piétonne à Outremont du nom de Camille-Laurin. La raison ? Cela empêcherait d’intégrer plus de femmes et de représentants de minorités culturelles et ethniques dans la toponymie de la ville.
En d’autres termes, honorer
Camille Laurin ne refléterait pas la diversité de la population montréalaise. Décédé en 1999, rappelons que le Dr Camille Laurin, parmi ses nombreux exploits, fut entre autres ministre responsable de l’adoption en 1977 de la Charte de la langue française (loi 101).
Intellectuel brillant et doté d’un rare courage politique, son legs à la société québécoise est monumental. Alors, pourquoi un tel mépris ?
L’administration de la mairesse Valérie Plante verse-t-elle ainsi dans l’idéologie woke – cette mouvance se disant de gauche et « éveillée » dans son combat contre la discrimination et le racisme en Occident.
Quand il éveille les consciences face à des discriminations réelles, le wokisme est capable du meilleur. Quand il confond justice sociale et censure, il est néanmoins capable du pire.
IGNORANCE ET AMNÉSIE
L’opposition à une promenade Camille-Laurin, est-ce cependant du wokisme ? En partie, sûrement. Or, cette histoire, disons-le, suinte avant tout l’ignorance, l’amnésie et l’inculture bienheureuse. Un trio redoutable, mais influent, dans l’espace public.
Bref, un brin de lecture ferait le plus grand bien à ces opposants. Ils apprendraient qu’un des objectifs fondamentaux de la loi 101 était justement de diversifier la majorité francophone et de faire du Québec une nation moderne, de langue française et ouverte sur le monde.
D’où la fin du libre choix de la langue d’enseignement qu’elle imposait au primaire et secondaire. En 1977, 85 % des enfants d’immigrants choisissaient l’école anglaise. La minorité anglophone était en fait leur « société d’accueil et l’anglais, leur langue d’adoption ».
L’école étant un formidable créneau d’intégration et d’enrichissement culturel mutuel, d’où aussi la grande diversité de la communauté anglophone. Les francophones, eux, en étaient privés.
L’obligation aux nouveaux arrivants d’inscrire leurs enfants à l’école française contribuera à inverser cette tendance séculaire et suicidaire pour le seul État de langue française en Amérique. Ce n’est pas un détail.
DIVERSIFIÉE À SON TOUR
Au fil des ans, la majorité francophone est devenue la première société d’accueil au Québec. Ce faisant, grâce au Dr Laurin et au gouvernement de René Lévesque, elle en est sortie de plus en plus diversifiée à son tour.
Pour le Québec, c’est d’une richesse sociale, culturelle et économique inestimable. Mais qui, parmi les opposants au projet de promenade Camille-Laurin, le sait et le comprend ? Qui sait seulement que le Dr Laurin était un homme profondément moderne, humaniste et universaliste ?
Qui, parmi ces apôtres d’une diversité enclenchée bien avant leur propre auguste naissance, connaît l’ampleur de ce que nous devons tous à Camille Laurin ? Qui sait que la loi 101 reconnaît aussi aux peuples autochtones du Québec, le droit de maintenir et de développer leurs langues et cultures d’origine ?
À l’adoption de la loi 101, Camille Laurin en disait d’ailleurs ceci : « Le Québec que cette loi annonce sera un pays français, instruit, moderne, qui prendra sa place à côté des pays de même taille. Il sera ainsi capable d’atteindre à l’universel par, et à travers, sa spécificité culturelle. »