Le Journal de Montreal

Michel Louvain, Lise Watier et moi

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Toutes les années durant lesquelles j’ai eu une maison de campagne à Saint-Paul-d’Abbotsford, je faisais mes courses à Granby.

Très souvent, dans une boutique ou un magasin, on me parlait de Michel Louvain. Lui aussi faisait ses courses à Granby, car il avait, disait-on, une maison à Bromont ou dans les environs. Parce que je paraissais souvent à la télévision, on en déduisait que je devais forcément le connaître. Ce qui n’était pas le cas.

Je n’avais d’ailleurs aucun désir de faire sa connaissan­ce. Tout comme moi, les amis que je fréquentai­s avaient plutôt tendance à sourire, voire à faire des gorges chaudes lorsqu’on parlait de Michel Louvain. Pour être franc, on s’en moquait un peu. C’était un temps nouveau, comme le promettait Renée Claude à tue-tête. Un temps où on était davantage à l’écoute du pays à venir qu’annonçaien­t Léveillée et Vigneault que des dames que Michel Louvain peignait en bleu.

Louvain, ce n’était pas notre tasse de thé. Ni sa voix mielleuse, ni ses chansons à l’eau de rose, ni ses manières trop courtoises. Surtout pas sa façon d’être toujours tiré à quatre épingles. Notre accord allait aux chansons rocailleus­es de Gerry Boulet, aux manières frustes de Claude Dubois et aux jeans délavés d’Harmonium.

FRÉQUENTAB­LE URBI ET ORBI !

Des décennies ont passé sans que j’éprouve la moindre curiosité à l’égard de ce chanteur de charme dont raffolaien­t tant de Québécois ordinaires. Les médias, d’ailleurs, avaient semblé l’oublier un peu jusqu’à ce qu’il devienne animateur de l’émission De bonne humeur à Télé-Métropole. Quelques années après, il reprit ses spectacles à guichet fermé sans que l’élite télévisuel­le (dont on se targuait d’être…) n’en fasse de cas. Il fallut plus de deux décennies et le 36e gala de l’ADISQ pour qu’un Félix hommage confonde enfin tous les sceptiques. Louvain devenait soudain fréquentab­le urbi et orbi.

Moi, je restai indifféren­t jusqu’à un dîner au club de golf de Beaconsfie­ld, le 1er août 2018, organisé par mon amie Johanne Brunet. Lise Watier, pour qui j’ai toujours eu beaucoup d’admiration, comptait parmi les convives. Elle dit tellement de bien de Michel Louvain, elle en parla avec tant d’émotion que je devins soudain curieux de le rencontrer.

J’ai découvert un artiste modeste, affable, chaleureux...

LA BELLE VIE AU CASINO

L’occasion aurait pu être belle le 20 octobre suivant. Nous avions invité à manger à la maison les amis rencontrés deux mois plus tôt au club de golf. Sans qu’ils le sachent, nous voulions que Michel se joigne à nous. Malheureus­ement, il n’a pu accepter, ayant déjà un engagement. En son absence, Lise a de nouveau fait de lui un tel éloge que nous nous sommes juré d’assister à la première de son spectacle La belle vie ,au Casino de Montréal, en octobre 2019. Le 4 janvier, avec une cinquantai­ne d’invités, nous fêtions la nouvelle année chez Lise en Floride. J’ai eu l’occasion de causer seul à seul avec Michel sur la terrasse. J’ai découvert un artiste modeste, affable, chaleureux, aux éclats de rire irrésistib­les et au regard aimanté. Un être rare. Rarissime même.

Le 16 octobre 2019, comme promis, nous étions tous au Casino. Durant le spectacle, j’ai senti entre Michel et le public une osmose dont je n’ai jamais été témoin jusque là, quel que soit l’artiste et quel que soit le lieu. À la fin, après avoir attendu que s’épuise la file de ses admirateur­s, nous lui avons parlé longtemps malgré l’heure tardive. Il nous a quittés après un câlin réconforta­nt pour chacun. On ignorait que ce serait le dernier.

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