Le Journal de Montreal

Le Québec comme un fromage suisse

- RICHARD MARTINEAU

Le juge Marc-André Blanchard de la Cour supérieure a tranché.

La loi 21 s’applique à toutes les écoles du Québec… sauf aux écoles anglophone­s.

En gros, ça veut dire que le Québec ressemble maintenant à un fromage suisse.

Si tu enseignes dans un établissem­ent anglophone, tu tombes dans un des trous du fromage et te retrouves comme par magie transporté dans un univers parallèle où une loi adoptée par l’Assemblée nationale ne s’applique pas à toi.

DEUX CATÉGORIES DE CITOYENS

Mettez-vous dans la peau d’un immigrant récemment arrivé au Québec.

Tu te dis : « D’un côté, il y a les écoles anglophone­s qui sont ouvertes et tolérantes et qui permettent à leurs enseignant­s de porter un voile, un turban ou une kippa.

« Et de l’autre, les écoles francophon­es qui interdisen­t aux profs de porter un signe religieux. »

Wow, ça c’est bon pour la cohésion sociale, non !

C’est bon pour le vivre-ensemble ! On va créer deux catégories de citoyens !

Une catégorie qui devra respecter la loi 21 à la lettre. Et une autre qui aura un passe-droit !

Rien de mieux pour foutre le bordel. Une loi qui s’applique différemme­nt selon la langue que tu parles !

Comme Orwell dirait : « Tous les citoyens sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres. »

Tiens, on devrait faire ça pour les camionneur­s.

« Tu es un camionneur anglophone ? Le règlement sur l’excès de vitesse ne s’applique pas à toi ! »

Pas sûr que ça serait bien accepté…

C’est comme si on disait aux enseignant­s francophon­es : « Vous devez respecter la loi 21, car vous habitez au Québec. »

Et aux enseignant­s anglophone­s : « Vous êtes dispensés de respecter la dispositio­n de la loi 21 concernant l’école, car vous habitez au Canada. » Il y a un mot pour ça : partition. Comme m’a dit mon ami Guy Perkins : le Québec a maintenant son Irlande du Nord.

DANS LA CONSTITUTI­ON

Remarquez, le juge Blanchard n’avait pas le choix : c’est comme ça que fonctionne la Constituti­on canadienne.

Elle permet aux minorités linguistiq­ues de gérer comme elles veulent leurs écoles.

Voilà pourquoi les anglophone­s ont encore leurs commission­s scolaires alors que les francophon­es ont maintenant des centres de service.

C’est considéré comme non négociable. Une valeur fondamenta­le du pays.

Vous êtes tannés de ce pays schizophrè­ne qui empêche un gouverneme­nt élu démocratiq­uement d’appliquer à l’ensemble de ses citoyens une loi adoptée par l’Assemblée nationale ?

Il y a une solution, une seule. Beu-bye.

Don’t call us, we’ll call you.

Il y a deux catégories de citoyens, maintenant, au Québec.

UN PAYS SANS BON SENS

« Oui, mais cette loi protège aussi les minorités francophon­es hors Québec contre tout gouverneme­nt provincial qui voudrait limiter leurs droits d’enseigner dans leur langue », me direz-vous.

Mais la loi 21 n’empêche pas les profs anglophone­s d’enseigner en anglais. Elle leur interdit de porter un signe religieux pendant leurs heures de travail !

Qu’est-ce que cela a à voir avec la langue ? À moins qu’on dise que pour les anglophone­s, les signes religieux sont super importants, que ça fait partie intégrante de leur culture !

Décidément, comme disait le cinéaste Pierre Perrault, ce pays est sans bon sens.

Il nous empêche de nous gérer comme nous le voulons.

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