Le Journal de Montreal

Une conséquenc­e du multicultu­ralisme

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ

Il fallait s’y attendre : la Cour supérieure a entrepris le démantèlem­ent de la loi 21.

Contrairem­ent à ce qu’on a pu lire ici et là, elle n’a pas été maintenue.

Le juge Marc-André Blanchard a décidé de soumettre le Québec au régime de la partition ethnique.

Il s’agit désormais de découper le Québec en communauté­s rivales et de créer deux catégories de citoyens.

PARTITION

D’un côté, une majorité francophon­e dont on doit se méfier, de l’autre, des communauté­s minoritair­es qui peuvent désormais s’affranchir au nom du droit des règles québécoise­s.

Le multicultu­ralisme canadien, au coeur de la Constituti­on de 1982, impose toutes ses conséquenc­es.

En gros, les lois votées par l’Assemblée nationale sont bonnes pour les francophon­es, mais n’engagent pas la communauté anglophone, désormais placée explicitem­ent sous la protection d’Ottawa, transformé en autorité gardienne des minorités.

Peut-on imaginer un seul instant les effets à court, moyen et long termes d’une telle décision pour la cohésion sociale dans une société où la majorité historique francophon­e est de plus en plus ouvertemen­t méprisée par une mouvance multicultu­raliste qui la traite comme un vieux résidu de peuple appelé à s’effacer au nom de la diversité ?

Blanchard normalise juridiquem­ent le fantasme ulstérien de la frange la plus radicale de la communauté anglophone. Autrement dit, elle trouve le moyen de se séparer de la nation québécoise sur son propre territoire. Ne doutons pas que ses représenta­nts trouveront le moyen de nous dire que ce sont les Québécois francophon­es qui ont décidé de les exclure.

Une partie de notre intelligen­tsia, véritable bois mort intellectu­el et journalist­ique, célébrera probableme­nt la subtile décision du juge.

Dans les faits, la Cour supérieure vient de montrer à quel point même lorsqu’il se contente d’un nationalis­me minimalist­e, le Québec est contraint, dans l’ordre fédéral canadien, aux demi-mesures. Elles seront de toute façon piétinées par un gouverneme­nt des juges qui cherche à se faire passer pour l’expression la plus convaincan­te de l’État de droit.

Comment réagira le gouverneme­nt du Québec ? Telle est la question.

Politisera-t-il cette décision en cessant de faire semblant que ce tribunal, dans les circonstan­ces, est légitime ?

Osera-t-il dire que cette décision est fondamenta­lement inacceptab­le ?

Aura-t-il le courage de poser la question constituti­onnelle ?

Nous savons que le gouverneme­nt Legault n’est pas souveraini­ste. C’est son droit. Nous savons toutefois qu’il se veut nationalis­te. C’est d’ailleurs son devoir.

NATIONALIS­ME

Dans les circonstan­ces, il ne doit d’aucune manière entrer dans une logique bonententi­ste où il laisserait entendre qu’il se contentera de demi-mesures et des miettes d’autonomie consenties par Ottawa.

Tous les autres partis politiques doivent se positionne­r, et ne peuvent se contenter de se réfugier derrière un respect empesé de tribunaux qui, dans les circonstan­ces, servent d’instrument­s politiques.

Il est insensé qu’une loi fondée sur une décennie de délibérati­ons collective­s soit ainsi abolie par un juge capricieux dont l’autorité repose sur une Constituti­on dont le Québec n’est toujours pas signataire.

Un cycle politique essentiel vient de s’ouvrir. Nous verrons comment chacun s’y positionne­ra.

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