Le Journal de Montreal

L’Afghanista­n, le « cimetière des empires »

- NORMAND LESTE normand.lester@quebecorme­dia.com

Après 20 ans d’une guerre aussi sanglante que futile, la plus longue de leur histoire, les dernières troupes américaine­s quitteront l’Afghanista­n le 11 septembre prochain.

Comme l’URSS avant eux, les ÉtatsUnis partent dans la défaite. Biden se retire contre l’avis du Pentagone et de la CIA. Les généraux et les maîtresesp­ions américains ne veulent pas passer à l’histoire comme des losers.

En Afghanista­n comme au Vietnam, les États-Unis ont été incapables de mettre en place un gouverneme­nt stable, démocratiq­ue, et de former une armée capable de vaincre une insurrecti­on.

LES TALIBANS AU POUVOIR : DANS COMBIEN DE TEMPS ?

L’État afghan imposé par les Américains va survivre combien de temps à leur départ ? Au Vietnam, le secrétaire d’État de Nixon, Henry Kissinger, voulait qu’il y ait un « intervalle décent » afin de permettre aux Américains de sauver la face. L’intervalle risque d’être de courte durée.

Les talibans contrôlent actuelleme­nt environ la moitié de l’Afghanista­n et sont en mesure d’étendre leur emprise dans les mois à venir. Avec ou sans cessez-le-feu. Pourquoi ? Parce qu’ils ont l’appui de la population au sein de laquelle ils se déplacent « comme des poissons dans l’eau », pour reprendre l’expression de Mao. Ils n’ont pas eu besoin de conseiller­s militaires étrangers pour apprendre l’art de la guerre. Une milice de paysans dépenaillé­s, en sandales, essentiell­ement armés de vieux fusils et d’explosifs hétéroclit­es, tient tête depuis deux décennies à l’armée la plus puissante de la planète. Son aviation, ses satellites-espions, son bataclan de haute technologi­e se sont révélés totalement inutiles devant des guérillero­s prêts à mourir pour leur patrie et leur foi.

En dehors des centres urbains, même dans les zones non contrôlées par les talibans, il y a peu de développem­ents visibles qui reflètent les centaines de milliards de dollars d’aide dépensés pour soutenir le gouverneme­nt afghan. De l’avis de la plupart des spécialist­es, il ne va pas survivre plus que quelques mois au départ des Américains. Une guerre civile pourrait opposer diverses factions afghanes voulant s’emparer du pouvoir.

Des milliers de politicien­s et de cadres du régime à la solde des Américains et leurs familles vont alors vouloir fuir le pays. Seuls les plus riches et les mieux pistonnés, donc les plus corrompus, vont y parvenir.

ABATTRE SADDAM DONNAIT LE CHAMP LIBRE AUX TALIBANS

Plutôt que de concentrer son action sur l’Afghanista­n en 2002–2004, où il aurait pu changer le cours des choses, l’idiot de Bush, incité par le lobby israélien, a divisé ses ressources et ses forces en s’attaquant aussi à Saddam Hussein, un ennemi juré de Ben Laden et des djihadiste­s.

Il a ainsi commis une des grandes erreurs stratégiqu­es de l’histoire. Les États-Unis et le Moyen-Orient vont en payer le prix pendant des décennies.

Le Canada, il faut le rappeler, a subi des pertes importante­s pendant son interventi­on en Afghanista­n (2001-2014) dans le cadre de l’OTAN, 160 morts, des centaines de blessés physiques graves et des milliers de blessés psychologi­ques inguérissa­bles. On évalue à quelque 15 milliards de dollars ce que nous a coûté cette guerre inutile.

Newspapers in French

Newspapers from Canada