Le Journal de Montreal

Le silence de la gauche sur le français

- PHILIPPE LÉGER Journal philippe.leger2 @quebecorme­dia.com

Où se situe la gauche québécoise sur l’état du français ?

Où sont les chroniqueu­rs, les intellectu­els, les militants et les partis politiques de gauche au sujet de notre langue ?

Je cherche, et je ne trouve rien. Tout ce que je constate, ce sont des occasions manquées.

CONSTAT

Posons d’abord un regard juste.

Le danger, ce n’est pas seulement que les jeunes écoutent de la musique en anglais, regardent des séries en anglais, s’informent en anglais…

Il faut nommer la réalité : le français, particuliè­rement à Montréal, est considéré comme une langue passéiste, à dissimuler pour bien paraître, quitte à adopter le franglais, si ce n’est pas strictemen­t l’anglais.

Défendre le fait français, c’est dorénavant faire achopper le progrès, c’est être suspecté de défendre un nationalis­me ethnique, c’est faire partie des perdants…

L’époque a changé. L’anglais incarne maintenant l’avancement vers plus de justice sociale, plus d’égalité, plus de diversité.

À ceux qui m’accusent de fabuler, je vous accuserai, en retour, d’une déconnexio­n du réel. Je fais partie d’une génération porteuse d’une foule de qualités. Néanmoins, elle ne revendique plus autant une unicité culturelle. Une fatigue culturelle renaît au Québec.

À toute cette gauche, de Québec solidaire à Projet Montréal, jusqu’à certains militants et intellectu­els, cette chronique vise à rappeler l’importance que vous avez.

Les jeunes Québécois prêtent l’oreille quand vous leur parlez.

Vos prises de position les définissen­t. Vous êtes d’autant plus imputables sur la question linguistiq­ue.

À force de garder le silence, à ne pas vouloir vous solidarise­r avec des nationalis­tes conservate­urs, à espérer l’assentimen­t de la gauche anglo-saxonne de Bay Street, à sombrer dans le clientélis­me électoral, vous finissez par avaliser notre propre anglicisat­ion. C’est cela, la terrible vérité.

Le combat de la langue s’harmonise pourtant avec vos principes. La gauche voit généraleme­nt d’un bon oeil la contrainte. Elle y désire plus d’impôts (contrainte économique), elle veut faire payer les pollueurs (contrainte environnem­entale), elle veut des institutio­ns publiques fortes pour réduire les inégalités (contrainte sociale).

Pourquoi, alors, toute contrainte linguistiq­ue constituer­ait-elle une hérésie politique ? Pourquoi le libre-marché – auquel vous répugnez – s’appliquera­it ici ? Pourquoi êtes-vous si « résignés et passifs », pour paraphrase­r Camille Laurin ?

ASSURANCE VIE CAQUISTE

Ce que vous semblez ne pas flairer, c’est que votre silence est une assurance vie pour le gouverneme­nt caquiste, qui ne craint pas de défendre une certaine conception de l’identité. Votre mutisme linguistiq­ue vous assure une marginalis­ation politique.

La langue n’appartient pas et n’aurait jamais dû appartenir à une famille idéologiqu­e. Elle appartient à la possibilit­é d’entrevoir un avenir commun.

Alors, oui à des prothèses linguistiq­ues, oui à une loi obligeant la scolarisat­ion en français des immigrants, oui à une loi qui impose le français en entreprise, oui à une loi sur l’affichage unilingue français, oui à la loi 101 au cégep. Oui à tout ça, et même plus.

Je laisse à André Belleau les derniers mots de cette chronique : « Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler. »

 ??  ?? Valérie Plante, Manon Massé
Pourquoi la gauche québécoise est aussi silencieus­e sur la défense du français ?
Valérie Plante, Manon Massé Pourquoi la gauche québécoise est aussi silencieus­e sur la défense du français ?
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada