Des moins de 20 ans dépouillés en une journée
Le créateur d’une cryptomonnaie québécoise jure qu’il n’est pas un fraudeur, mais admet avoir fait des erreurs
De nombreux jeunes Québécois qui ont investi dans une nouvelle cryptomonnaie locale ont vu leur argent partir en fumée ces derniers jours dans ce qui ressemble à une fraude financière classique.
Le Journal a parlé à au moins 15 investisseurs de 16 à 20 ans qui ont perdu d’importantes sommes dans l’aventure. Ils avaient misé 1000 $, 5000 $, 20 000 $ ou encore 50 000 $.
Tous ont vu la valeur de leur investissement s’écrouler de 90 % en quelques heures, entre le 17 et le 18 avril.
À son plus haut, la valeur des investissements dans le jeton MRS, pour Marsan Exchange Token, a atteint 10 millions de dollars, le 17 avril. La valeur totale des investissements atteint aujourd’hui moins de 2 millions de dollars.
La situation est assez sérieuse – et a tout l’air d’un classique « pump and dump » – pour que l’Autorité des marchés financiers (AMF) s’y intéresse.
« L’Autorité a reçu récemment des informations relativement au dossier. Nous sommes à mener les vérifications qui s’imposent dans cette affaire », explique le porte-parole Sylvain Théberge, sans pouvoir en dire davantage.
MOUSSER LA VENTE
La cryptomonnaie baptisée MRS est la création de l’entreprise Marsan Exchange, fondée il y a moins d’un an par le Lavallois Antoine Marsan, 22 ans.
Marsan et son associé, Bastien Francoeur, lancent le MRS au début du mois de mars. Afin de faire mousser les ventes, ils payent le propriétaire du groupe Crypto Paradise, Kevin Mirshahi, pour en faire la promotion.
Crypto Paradise, qui fonctionne sur l’application de messagerie instantanée Telegram, envoie des recommandations d’investissements à ses quelque 2300 membres.
La première mention du MRS par Kevin Mirshahi dans Crypto Paradise remonte au 25 mars. Il a été payé 50 000 MRS – 1 MRS valait 0,15 $ à l’époque – pour ce faire.
« J’ai écrit que c’était une monnaie risquée, mais que j’y voyais un potentiel », explique-t-il.
Antoine Marsan le paye aussi 100 000 MRS quelques jours plus tard pour financer une campagne de promotion au moyen d’influenceurs sur le réseau Snapchat.
Doubleyou78, Mishka, Avatar, Tizzo,
Shreez et d’autres Montréalais avec de nombreux abonnés commencent alors à inciter leur communauté à s’intéresser à une nouvelle cryptomonnaie québécoise dont le nom sera révélé le 17 avril à 20 heures, à savoir le MRS.
La campagne fonctionne si bien qu’au moment de révéler qu’il s’agit de MRS, la valeur du jeton d’Antoine Marsan explose pour atteindre 5,14 $.
Le nombre de détenteurs de
MRS passe de 637, le 14 avril, à 3470, le 18 avril.
Sauf qu’en un jour, le prix s’effondre à 0,42 $. Cette chute drastique s’explique par le fait que quelqu’un dont on ignore l’identité et qui détenait une quantité importante de MRS s’est mis à les vendre dès que la valeur a gonflé.
La valeur en prend pour son rhume, la panique gagne les investisseurs, qui commencent à vendre eux aussi.
TOUT LE MONDE SE POINTE DU DOIGT
Antoine Marsan dit ne pas comprendre ce qui s’est passé. Il accuse les influenceurs et Kevin Mirshahi d’avoir induit les gens en erreur.
« On a été vraiment stupides. On a fait deux erreurs majeures. La première a été d’engager des influenceurs sans faire de vérifications. La deuxième a été de les payer en cryptomonnaies, puisque ça pourrait être considéré comme une incitation à faire monter le prix », offre-t-il en guise d’explications.
« Je me suis fait solidement avoir, Antoine Marsan est un beau parleur qui avait prévu son coup depuis longtemps », rétorque Kevin Mirshahi, qui affirme que la personne mystère qui a tout vendu ne peut qu’être Antoine Marsan ou Bastien Francoeur.
Ce qui est certain, c’est que bon nombre de membres de Crypto Paradise ainsi que de nombreux jeunes attirés par l’appât du gain sur Snapchat ont tout perdu.
Et que Marsan comme Francoeur comme Mirshahi sont inondés de menaces de mort depuis le 18 avril. Leurs adresses sont massivement partagées sur les réseaux sociaux.
Le Service de police de Laval a ouvert une enquête, mais refuse de divulguer la nature de la plainte ou de qui elle provient.
« ON A ÉTÉ VRAIMENT STUPIDES. ON A FAIT DEUX ERREURS MAJEURES. » – Antoine Marsan, président de Marsan Exchange