La mondialisation ne serait pas un monstre
La mondialisation estelle le monstre dépeint il y a 20 ans à Québec par les manifestants contre le Sommet des Amériques ?
On peut en douter, du moins si on lit l’opuscule « La mondialisation : maladie imaginaire », de Stéphane Paquin, publié le mois dernier (PUM).
GAZ
L’après-midi du 21 avril 2001, j’étais allé observer l’impressionnant choc manifestants-policiers, boulevard René-Lévesque. J’ai souvenir encore de la sensation d’étouffement et de brûlure provoquée par le gaz lacrymogène.
Tout cela était sans précédent : ville bouclée, légion de policiers. Manifestants prêts à tout. Premières frasques de black bloc.
L’impression globale d’une sorte de carnaval « anti », propre à l’époque de l’après-guerre froide ; volonté presque ludique d’en découdre avec les forces de l’ordre. Sorte de champ de bataille de trois jours ; avec un nuage de gaz au-dessus des vieux quartiers.
Quelques mois après Québec, en juillet 2001, un autre choc manifestants-policiers se produisait à Gênes, en Italie, en marge du G8. Avec une issue dramatique : un manifestant perdit la vie.
L’altermondialisation était au faîte de son existence.
11/09/2001
Tout changea le 11 septembre 2001 avec les attentats islamistes à New York et à Washington. Puis, guerres en Afghanistan et en Iraq.
Vingt ans plus tard, on pourrait croire que la mondialisation a été freinée d’abord par les manifs et ensuite par le cycle des guerres.
Certes, le monde n’est pas aussi « sans-frontière » que certains l’espéraient à l’époque. On ne peut plus aller aux États-Unis avec un simple permis de conduire comme jadis !
Et avec la COVID, toutes les frontières, même en Europe, ont été soit recréées, soit bouclées. À cet égard, la COVID a été plus efficace à freiner la mondialisation que les manifs de 2001 !
Mais Stéphane Paquin est formel : on exagère et on déforme la mondialisation dans tous les camps.
À droite, « on tend à être réfractaire à l’immigration, on pleure le déclin de la souveraineté nationale ; à gauche, on s’inquiète des effets du libre-échange et de l’automatisation sur les travailleurs et sur l’emploi, on déplore l’effondrement de l’État-providence et de la social-démocratie, la concentration de la richesse (le fameux 1 %) et la montée des inégalités ».
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, prône même la « démondialisation ».
Les manifestants d’avril 2001 ont peut-être eu gain de cause sur un plan : la Zone de libre-échange des Amériques, ZLÉA, ne vit jamais le jour. Le projet fut abandonné en 2005.
Depuis deux décennies, tout de même, la mondialisation a progressé, soutient Paquin, aussi professeur à l’ÉNAP. Les accords bilatéraux se sont multipliés. Le Canada en a signé des dizaines, dont celui avec l’Union européenne. Un des plus récents ? Avec le Royaume-Uni post-Brexit.
Malgré tout, il insiste : la mondialisation si critiquée est « loin d’être aussi intense qu’on veut bien le dire ». Les exportations entre pays ? 20 % du PIB mondial. « Pas de 75 % ni même 50 ou 30 », insiste Paquin.
Et surtout, la mondialisation n’a pas été destructrice ni de l’État-providence ni de la social-démocratie. Les pays ayant tenu à ces formes de régime (comme ceux des Scandinaves) étant même ceux qui s’en tirent le mieux de nos jours.
Tout cela est contre-intuitif, mais vaut certainement une bonne réflexion.