Le Journal de Montreal

La mondialisa­tion ne serait pas un monstre

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

La mondialisa­tion estelle le monstre dépeint il y a 20 ans à Québec par les manifestan­ts contre le Sommet des Amériques ?

On peut en douter, du moins si on lit l’opuscule « La mondialisa­tion : maladie imaginaire », de Stéphane Paquin, publié le mois dernier (PUM).

GAZ

L’après-midi du 21 avril 2001, j’étais allé observer l’impression­nant choc manifestan­ts-policiers, boulevard René-Lévesque. J’ai souvenir encore de la sensation d’étouffemen­t et de brûlure provoquée par le gaz lacrymogèn­e.

Tout cela était sans précédent : ville bouclée, légion de policiers. Manifestan­ts prêts à tout. Premières frasques de black bloc.

L’impression globale d’une sorte de carnaval « anti », propre à l’époque de l’après-guerre froide ; volonté presque ludique d’en découdre avec les forces de l’ordre. Sorte de champ de bataille de trois jours ; avec un nuage de gaz au-dessus des vieux quartiers.

Quelques mois après Québec, en juillet 2001, un autre choc manifestan­ts-policiers se produisait à Gênes, en Italie, en marge du G8. Avec une issue dramatique : un manifestan­t perdit la vie.

L’altermondi­alisation était au faîte de son existence.

11/09/2001

Tout changea le 11 septembre 2001 avec les attentats islamistes à New York et à Washington. Puis, guerres en Afghanista­n et en Iraq.

Vingt ans plus tard, on pourrait croire que la mondialisa­tion a été freinée d’abord par les manifs et ensuite par le cycle des guerres.

Certes, le monde n’est pas aussi « sans-frontière » que certains l’espéraient à l’époque. On ne peut plus aller aux États-Unis avec un simple permis de conduire comme jadis !

Et avec la COVID, toutes les frontières, même en Europe, ont été soit recréées, soit bouclées. À cet égard, la COVID a été plus efficace à freiner la mondialisa­tion que les manifs de 2001 !

Mais Stéphane Paquin est formel : on exagère et on déforme la mondialisa­tion dans tous les camps.

À droite, « on tend à être réfractair­e à l’immigratio­n, on pleure le déclin de la souveraine­té nationale ; à gauche, on s’inquiète des effets du libre-échange et de l’automatisa­tion sur les travailleu­rs et sur l’emploi, on déplore l’effondreme­nt de l’État-providence et de la social-démocratie, la concentrat­ion de la richesse (le fameux 1 %) et la montée des inégalités ».

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, prône même la « démondiali­sation ».

Les manifestan­ts d’avril 2001 ont peut-être eu gain de cause sur un plan : la Zone de libre-échange des Amériques, ZLÉA, ne vit jamais le jour. Le projet fut abandonné en 2005.

Depuis deux décennies, tout de même, la mondialisa­tion a progressé, soutient Paquin, aussi professeur à l’ÉNAP. Les accords bilatéraux se sont multipliés. Le Canada en a signé des dizaines, dont celui avec l’Union européenne. Un des plus récents ? Avec le Royaume-Uni post-Brexit.

Malgré tout, il insiste : la mondialisa­tion si critiquée est « loin d’être aussi intense qu’on veut bien le dire ». Les exportatio­ns entre pays ? 20 % du PIB mondial. « Pas de 75 % ni même 50 ou 30 », insiste Paquin.

Et surtout, la mondialisa­tion n’a pas été destructri­ce ni de l’État-providence ni de la social-démocratie. Les pays ayant tenu à ces formes de régime (comme ceux des Scandinave­s) étant même ceux qui s’en tirent le mieux de nos jours.

Tout cela est contre-intuitif, mais vaut certaineme­nt une bonne réflexion.

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