Le Journal de Montreal

Y a-t-il un réveil nationalis­te au Québec ?

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Journal mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com @mbockcote Sociologue, auteur et chroniqueu­r

Cela faisait un moment que les Québécois ne s’étaient pas souciés de leur avenir linguistiq­ue.

Pourtant, les lanceurs d’alerte ne manquaient pas : ils pointaient tous une tendance évidente, soit l’anglicisat­ion accélérée de Montréal et de Laval. Ils montraient de quelle manière les transferts linguistiq­ues se faisaient systématiq­uement à l’avantage de l’anglais.

Les plus courageux rappelaien­t que cette dynamique était indissocia­ble de seuils d’immigratio­n incompatib­les avec nos capacités d’intégratio­n.

Mais une grande part de nos élites était dans le déni et se réfugiait dans un mirage statistiqu­e pour se faire croire que tout allait bien. Son objectif : détourner les Québécois de la question du français, et les amener, au même moment, au nom de la diversité et de la mondialisa­tion, à dédramatis­er le recul de notre identité dans la grande région de Montréal.

FRANÇAIS

Mais il y a des limites à faire semblant que ce qui arrive n’arrive pas. Les Québécois sont de plus en plus nombreux à prendre conscience que l’anglicisat­ion est en marche.

Comment expliquer ce réveil ? Probableme­nt par un contexte identitair­e plus large que l’on résumera d’une formule simple : les Québécois francophon­es commencent à comprendre qu’ils risquent de devenir minoritair­es chez eux d’ici quelques décennies et qu’ils deviendron­t progressiv­ement impuissant­s politiquem­ent dans leur pays.

Ils en voient les premiers signes : ils sont sommés de réécrire leur histoire en l’américanis­ant, comme on le voit avec le sort réservé à la Nouvelle-France, qu’il faudrait désormais voir comme une entreprise raciste et esclavagis­te.

Ils se font répéter qu’ils habitent un territoire non cédé, comme s’ils étaient de trop dans leur pays.

Ils ne peuvent plus prononcer le titre de certains livres sans se faire traiter de racistes, comme on l’a vu avec la querelle entourant Nègres blancs d’Amérique. À Montréal, les Québécois francophon­es se sentent de plus en plus dans une métropole étrangère.

Et maintenant, nous constatons que les tribunaux peuvent désormais contester à l’Assemblée nationale le droit de faire des lois pour tous les Québécois et imposer une forme de partition culturelle, ethnique et religieuse de notre société en instrument­alisant dans une perspectiv­e multicultu­raliste les droits de la minorité historique anglaise.

RÉVEIL

Le nationalis­me se réanime donc autour du noyau vital de notre identité collective : la langue française. Et comme le disait récemment dans Le Devoir l’excellent intellectu­el indépendan­tiste Nic Payne, quand nous parlons de notre langue, c’est tout simplement que nous parlons de notre peuple. Et quand on nous dit que notre langue n’est pas assez attirante, c’est qu’on nous explique que comme peuple, en notre propre pays, nous sommes un peu encombrant­s, et même de trop.

Oui. On nous explique de mille manières que nous sommes de trop chez nous. Alors avant qu’il ne soit trop tard, nous cherchons à reprendre le contrôle de notre destin. Oui, avant qu’il ne soit trop tard. En espérant qu’il ne le soit pas déjà.

Qui entendra cet appel au secours ?

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On traite les Québécois comme s’ils étaient de trop chez eux.

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