Le Journal de Montreal

Marleau : même pas proche !

Le service de communicat­ions de la Ligue nationale a fait une belle job pour publiciser le record de matchs disputés dans la LNH par Patrick Marleau.

- RÉJEAN TREMBLAY rejean.tremblay@quebecorme­dia.com

Même Gary Bettman a prononcé un beau petit discours.

En temps de pandémie, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a.

Mais dans la vraie vie, Patrick Marleau est à des années-lumière de la vraie marque établie par Gordie Howe.

Gordie avait 52 ans quand il a disputé son dernier match avec les Whalers de Hartford. Un match de série éliminatoi­re disputé à Hartford contre le Canadien.

C’était après l’éliminatio­n des Whalers en première ronde. En avril 1981. Gordie se déshabilla­it lentement dans le coin où il établissai­t ses quartiers pour ne pas déranger ses coéquipier­s après les matchs.

J’avais passé quelques moments dans le vestiaire du Canadien et quand j’avais traversé chez les Whalers, Gordie était seul après avoir répondu aux nombreuses questions des confrères. Si je me rappelle bien, j’étais avec le regretté Gilles Vachet qui était là pour la compétitio­n. Ou peut-être Pierre Durocher.

Mais ce qui m’avait le plus frappé, ce que je n’ai jamais oublié, c’était les épaules en bouteille de Monsieur Hockey et les poils grisonnant­s sur sa poitrine. Tout nu, Gordie montrait ses 52 ans. Après une défaite, c’était un vieux monsieur.

419 MATCHS DANS L’AMH

Patrick Marleau est le recordman pour la Ligue nationale, sans aucun doute. Mais ce que Gordie Howe a réalisé relève d’un autre univers. Il a commencé avec les Red Wings de Detroit en 1946 et s’est retiré en 1981. Il a été actif dans la LNH au cours de cinq décennies. Les années 1940, 1950, 1960, 1970 et 1980.

Après avoir passé six belles saisons dans l’Associatio­n mondiale de hockey avec les Aeros de Houston et les Whalers de Hartford. Howe était revenu au jeu pour pouvoir porter l’uniforme bleu poudre des Aeros avec ses fils Marty et Mark.

Et pour avoir rencontré Gordie à plusieurs reprises dans l’AMH, le bonhomme, comme on le surnommait, appréciait chaque minute de sa carrière passée avec ses deux gars.

Howe a récolté 508 points en

419 matchs dans le circuit maudit. Il affrontait de grands joueurs comme Bobby Hull, Kent Nilsson, Anders Hedberg, Marc Tardif, Jean-Claude Tremblay, Wayne Gretzky, Michel Goulet, Gerry Cheevers, Robbie Ftorek, Réal Cloutier et des dizaines d’autres.

L’AMH n’était pas aussi forte que la Ligue nationale, mais elle était beaucoup plus puissante que la Ligue américaine. C’était un circuit majeur. D’ailleurs, quand la LNH et l’AMH ont commencé à disputer des matchs hors concours en début de saison, les équipes de l’Associatio­n mondiale ont gagné leur large part de rencontres.

GRETZKY N’A JAMAIS GAGNÉ LE CALDER

Ce statut de ligue majeure, la Ligue nationale l’a reconnu implicitem­ent en 1979 au moment de l’expansion-fusion qui a mené à l’entrée des Nordiques de Québec dans le grand circuit.

À sa première saison dans la LNH avec les Oilers d’Edmonton, Wayne Gretzky a récolté 137 points. Mais comme la saison précédente avec les Racers d’Indianapol­is de Jacques Demers et les Oilers, il avait marqué 46 buts et obtenu 110 points, la Ligue nationale a refusé que Gretzky reçoive le trophée Calder remis à la recrue de l’année. On a soutenu qu’il avait joué une saison dans l’Associatio­n mondiale et qu’il n’était plus admissible.

Patrick Marleau mérite les honneurs qu’il reçoit. Mais ceux qui ont connu ce véritable phénomène qu’était Gordie Howe savent que Marleau est encore à 10 ans d’égaler la vraie marque du bonhomme.

Soit dit en passant, lors de son dernier match avec les Whalers, Howe affrontait Guy Lafleur, Steve Shutt, Mario Tremblay, Larry Robinson, Bob Gainey et d’autres grands joueurs entrés dans la légende. Le bonhomme n’avait pas trop le temps de se laisser traîner sur la patinoire.

Les années ont passé. Les témoins des belles années folles de l’AMH se font plus rares et il est évident que la Ligue nationale n’a aucunement le goût qu’on se rappelle les saisons du circuit maudit. Les exploits de Bobby Hull, de Gordie Howe, d’Anders Hedberg, de Michel Goulet et de plusieurs autres grands du hockey vont finir par sombrer dans l’oubli.

Mais si vous voulez savoir pourquoi l’Associatio­n des joueurs ne devrait pas oublier ce qu’ont réalisé ces audacieux, sachez que Marc Tardif gagnait 35 000 $ par saison avec le Canadien. Il était un jeune ailier gauche prêt à devenir le numéro un de la Flanelle.

Les Sharks de Los Angeles lui ont offert 100 000 $ par saison. Contrat garanti. Tardif est parti et Sam Pollock n’a même pas tenté de le garder.

Réjean Houle a suivi son ami un an plus tard.

Les joueurs de la LNH étaient des esclaves. Bien payés. Mais des esclaves. C’est ailleurs qu’ils ont commencé à goûter à la liberté.

Merci monsieur Howe, merci monsieur Hull, merci monsieur JeanClaude Tremblay.

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PHOTO D’ARCHIVES Gordie Howe et Yvon Lambert lors d’un match présenté au Forum de Montréal vers la fin de la carrière du légendaire numéro 9.
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