Le Journal de Montreal

Jugement sur la loi 21 : discutons rationnell­ement

- THOMAS MULCAIR thomas.mulcair @quebecorme­dia.com

Il y a eu tellement de chemises déchirées depuis la décision du juge Marc-André Blanchard sur la loi 21, qu’il est difficile d’en discuter rationnell­ement.

D’abord, il importe de rappeler que les droits ne sont pas des concours de popularité. Un droit existe, justement, pour nous protéger contre la pensée unique et les diktats de la foule.

Pour ceux qui ont suivi les dossiers de liberté d’expression dans les médias au Québec, le nom de Marc-André Blanchard est associé à sa défense intelligen­te et passionnée de la liberté d’expression. Il représenta­it notamment de grandes gueules de la radio de Québec qui offensaien­t plus souvent qu’à leur tour – au plus grand plaisir de leur public et des propriétai­res de leurs stations.

Étonnant, alors, que des scribes qui ont profité des travaux de Sisyphe de Me Blanchard tombent des nues lorsque celui-ci prend à nouveau la défense des droits, cette fois-ci le droit des minorités d’exprimer leurs croyances religieuse­s.

LA LOI 21 MAINTENUE

En fait, ce qui est le plus étonnant dans cette réaction épidermiqu­e de masse est qu’elle semble ne pas tenir compte du fait que le juge Blanchard a maintenu la quasi-totalité des dispositio­ns de la loi 21.

Même s’il décrit avec une certaine émotion ses effets dévastateu­rs sur les victimes de cette loi discrimina­toire, il maintient presque toute la loi 21 en raison de la clause nonobstant.

Cette clause, exigée par les provinces lors de la négociatio­n de la Constituti­on de 1982 (dont le Québec s’est extrait) permet aux législatur­es provincial­es d’adopter des lois discrimina­toires et de dire qu’elles vont continuer de s’appliquer malgré la Charte des droits.

Tout en réprouvant l’utilisatio­n péremptoir­e et massive de cette clause pour mettre l’atteinte aux droits à l’abri des tribunaux, le juge dit n’avoir eu d’autre choix que de suivre des jugements antérieurs. En conséquenc­e, l’essentiel de la loi 21 continuera de s’appliquer, malgré son caractère discrimina­toire.

PROTECTION DES MINORITÉS

Ce qui a été maintenu, c’est le droit des minorités religieuse­s de siéger à l’Assemblée nationale et le droit des commission­s scolaires de la minorité d’expression anglaise de contrôler et gérer leurs affaires.

Lorsque Legault a aboli les commission­s scolaires francophon­es avec sa loi 40 et les a remplacées par des fonctionna­ires béni-oui-oui, il n’avait pas le droit de faire de même avec les commission­s scolaires de la communauté anglophone. Ce fait lui a été rappelé à plus d’une reprise par les tribunaux.

La Charte garantit le droit à des « établissem­ents de la minorité linguistiq­ue financés sur les fonds publics ».

J’étais avocat au Conseil de la langue française lorsque le conseiller législatif du fédéral, Gérard Bertrand, menait des consultati­ons sur la rédaction de cette clause. Mon regretté ami et collègue (et rédacteur de la loi 101) Michel Sparer l’a convaincu de l’importance d’utiliser une terminolog­ie plus large que « école », pour garantir plus que des bâtiments.

C’est pour ça qu’aujourd’hui l’article 23 garantit le droit tant des francophon­es hors Québec que des anglos d’ici de gérer et contrôler leurs commission­s scolaires et de décider de ne pas discrimine­r dans l’embauche des enseignant­s.

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L’essentiel de la loi est maintenu, mais Jolin-Barrette a décidé de faire appel…

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