Jugement sur la loi 21 : discutons rationnellement
Il y a eu tellement de chemises déchirées depuis la décision du juge Marc-André Blanchard sur la loi 21, qu’il est difficile d’en discuter rationnellement.
D’abord, il importe de rappeler que les droits ne sont pas des concours de popularité. Un droit existe, justement, pour nous protéger contre la pensée unique et les diktats de la foule.
Pour ceux qui ont suivi les dossiers de liberté d’expression dans les médias au Québec, le nom de Marc-André Blanchard est associé à sa défense intelligente et passionnée de la liberté d’expression. Il représentait notamment de grandes gueules de la radio de Québec qui offensaient plus souvent qu’à leur tour – au plus grand plaisir de leur public et des propriétaires de leurs stations.
Étonnant, alors, que des scribes qui ont profité des travaux de Sisyphe de Me Blanchard tombent des nues lorsque celui-ci prend à nouveau la défense des droits, cette fois-ci le droit des minorités d’exprimer leurs croyances religieuses.
LA LOI 21 MAINTENUE
En fait, ce qui est le plus étonnant dans cette réaction épidermique de masse est qu’elle semble ne pas tenir compte du fait que le juge Blanchard a maintenu la quasi-totalité des dispositions de la loi 21.
Même s’il décrit avec une certaine émotion ses effets dévastateurs sur les victimes de cette loi discriminatoire, il maintient presque toute la loi 21 en raison de la clause nonobstant.
Cette clause, exigée par les provinces lors de la négociation de la Constitution de 1982 (dont le Québec s’est extrait) permet aux législatures provinciales d’adopter des lois discriminatoires et de dire qu’elles vont continuer de s’appliquer malgré la Charte des droits.
Tout en réprouvant l’utilisation péremptoire et massive de cette clause pour mettre l’atteinte aux droits à l’abri des tribunaux, le juge dit n’avoir eu d’autre choix que de suivre des jugements antérieurs. En conséquence, l’essentiel de la loi 21 continuera de s’appliquer, malgré son caractère discriminatoire.
PROTECTION DES MINORITÉS
Ce qui a été maintenu, c’est le droit des minorités religieuses de siéger à l’Assemblée nationale et le droit des commissions scolaires de la minorité d’expression anglaise de contrôler et gérer leurs affaires.
Lorsque Legault a aboli les commissions scolaires francophones avec sa loi 40 et les a remplacées par des fonctionnaires béni-oui-oui, il n’avait pas le droit de faire de même avec les commissions scolaires de la communauté anglophone. Ce fait lui a été rappelé à plus d’une reprise par les tribunaux.
La Charte garantit le droit à des « établissements de la minorité linguistique financés sur les fonds publics ».
J’étais avocat au Conseil de la langue française lorsque le conseiller législatif du fédéral, Gérard Bertrand, menait des consultations sur la rédaction de cette clause. Mon regretté ami et collègue (et rédacteur de la loi 101) Michel Sparer l’a convaincu de l’importance d’utiliser une terminologie plus large que « école », pour garantir plus que des bâtiments.
C’est pour ça qu’aujourd’hui l’article 23 garantit le droit tant des francophones hors Québec que des anglos d’ici de gérer et contrôler leurs commissions scolaires et de décider de ne pas discriminer dans l’embauche des enseignants.