Le Journal de Montreal

Le long combat des femmes violentées

Des victimes et des intervenan­tes de maisons d’hébergemen­t témoignent

- DIANE TREMBLAY

Il y a les blessures qu’on voit et celles qu’on ne voit pas et qui ont des conséquenc­es tout aussi dévastatri­ces pour les femmes victimes de violence conjugale. Chaque fois qu’un féminicide survient au Québec, la peur refait surface.

« Et si c’était moi, la prochaine ? » Cette inquiétude est omniprésen­te dans l’esprit des femmes, même des années après la séparation, surtout quand il y a des enfants nés de l’union.

Le Journal a assisté récemment, dans la région de Québec, à un cercle de discussion­s avec des femmes victimes de violence conjugale qui s’en sont sorties et qui tentent maintenant de se reconstrui­re (des témoignage­s à lire en page 32).

GARDE DES ENFANTS

Même si elles préférerai­ent tourner la page, plusieurs femmes doivent continuer d’avoir un lien avec leur ex-conjoint pour la garde des enfants.

« Je ne peux pas les protéger lorsqu’ils sont chez leur père et la DPJ [Direction de la protection de la jeunesse] me dit qu’ils ne peuvent rien faire, relate Nathalie*. Je ne serais pas surprise qu’il leur arrive quelque chose, ils sont à risque au quotidien. Ça prend une bagatelle pour faire monter la colère, et qu’il se détache de la réalité. »

Avec ce qui est arrivé à Elisapee Angma, Marly Edouard, Nancy Roy, Myriam Dallaire, Sylvie Bisson, Carolyne Labonté, Nadège Jolicoeur et les autres, les femmes entendues au cours de cette activité organisée par la Maison DeniseRuel se sentent directemen­t interpellé­es chaque fois que survient un féminicide.

« MAL DANS MES TRIPES »

« Ça m’est rentré dedans, la nouvelle du 10e féminicide. Ça me fait mal dans mes tripes. Ça me dépasse. Je suis ébranlée », confie Alicia*.

S’il est vrai que la violence conjugale a fait l’objet d’une plus grande attention médiatique depuis le début de la pandémie, la responsabl­e du soutien clinique chez SOS violence conjugale, Claudine Thibaudeau, constate elle aussi que les situations dénoncées se sont aggravées (voir autre texte en page 31).

« Il y a eu une escalade de la violence. Ça n’a pas créé de nouvelles situations. Ce ne sont pas des gens où il n’y avait pas de violence avant, et tout à coup il y en a. Ce sont des situations où il y en avait, mais à plus faible intensité, et la pandémie a donné lieu à une escalade pour plusieurs raisons. »

SÉQUESTRÉE­S À LA MAISON

« Là, on ne va plus travailler au bureau. L’isolement est beaucoup plus important. Il y a des femmes qui nous ont confié qu’au lieu d’être en confinemen­t, elles se sentent carrément séquestrée­s chez elles. »

Depuis les féminicide­s, le volume d’appels a augmenté de manière significat­ive chez SOS violence conjugale. *Les prénoms ont été changés par mesure de sécurité. Certains détails ont été omis volontaire­ment pour protéger les participan­tes.

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PHOTO DIANE TREMBLAY L’intervenan­te Caroline Hallé, de la Maison Denise-Ruel dans la région de Québec, montre un rideau de fer afin d’assurer la sécurité des femmes hébergées.

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