Le Journal de Montreal

Une « main-d’oeuvre pas chère » pour les groupes criminels

- ERIKA AUBIN

Des mineurs en quête de sensations fortes et de reconnaiss­ance apparaisse­nt comme de la main-d’oeuvre peu chère aux yeux des groupes criminels afin d’accomplir des méfaits à leur place.

« Tu risques de mobiliser plus d’intérêt chez un jeune avec une somme [financière] bien moins élevée qu’un adulte. En partant, c’est du cheap

labor », explique

André Gélinas, sergent-détective retraité du Service de police de la Ville de Montréal.

D’après lui, les jeunes « sont plus malléables et influençab­les », ce qui motive des groupes criminels, comme les gangs de rue, à avoir recours à eux pour faire leur sale boulot.

« Il y a l’attrait de l’argent. Le thrill et le goût du risque sont forts chez eux. Les gangs de rue savent aussi que les jeunes sont moins susceptibl­es d’être intercepté­s. Souvent, ils ne sont pas fichés par la police, ils n’ont pas de dossier [criminel] », résume M. Gélinas.

Les mineurs eux-mêmes seraient conscients qu’ils risquent des peines judiciaire­s moindres que les adultes, selon André Gélinas (voir autre texte).

« Certains sont lucides et vont le dire : “Je m’en fous si je me fais prendre, car je n’ai pas 18 ans. Mon dossier va être scellé dès que je vais atteindre la majorité” », souligne-t-il.

POUR FAIRE SES PREUVES

Utiliser des mineurs pour commettre des crimes a toujours été une stratégie employée par les gangs de rue, d’après la criminolog­ue Maria Mourani.

« Les mineurs doivent faire leurs preuves auprès de leur gang. On les pousse aussi à commettre des actes criminels pour qu’ils se retrouvent entachés d’une criminalit­é. Après, ils ne peuvent plus revenir en arrière, c’est une façon de les corrompre », soutient-elle.

Or, la recrudesce­nce du nombre de fusillades, notamment dans l’est de Montréal, mène à une moins grande tolérance des crimes commis par arme à feu, ajoute-t-elle.

« Il y a comme une politique informelle de tolérance zéro, ce qui fait qu’on va plus judiciaris­er. On remarque par exemple la création d’une escouade [pour lutter contre le trafic d’armes]. Les gens en ont marre », dit-elle, afin d’expliquer pourquoi davantage des mineurs armés se retrouvent maintenant devant les tribunaux.

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ANDRÉ GÉLINAS Sergent-détective retraité du SPVM

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