Le processus est dissuasif et ardu, dit une plaignante
Une victime alléguée de violence conjugale déplore les délais du système judiciaire
SAINT-JÉRÔME | Après un autre report en un an du dossier de son ex-conjoint, une victime alléguée de violence conjugale déplore la lourdeur du système, qui selon elle, décourage les femmes à poursuivre des démarches pour obtenir justice.
« C’est comme ça depuis le début, c’est ridicule », laisse tomber Claudie Bernier.
La femme de 34 ans dit s’être sentie interpellée par les récents féminicides qui ont récemment secoué le Québec. Pour cette raison, elle a accepté de prendre la parole à visage découvert au nom d’autres potentielles victimes de violence conjugale, et ce, malgré ses craintes de représailles.
Récemment, la cause de son ex, qui est entre autres accusé de voies de fait, de menaces de mort, de harcèlement, de bris d’interdit de contact et d’entrave, a de nouveau été reportée au palais de justice de Saint-Jérôme.
Ça fait plus d’une demi-douzaine de fois dans la dernière année qu’elle vit pareille situation.
« Pendant ce temps, il est en liberté, il n’est pas puni, et il pourrait recommencer. Il ne l’a pas, sa leçon », fait valoir celle qui a déposé sa première plainte à la police en mars 2020.
L’homme, dont on taira le nom puisqu’il n’a pas été déclaré coupable, l’aurait notamment étranglée à plusieurs reprises, poignardée et tirée par les cheveux, sur une période de six mois, selon sa victime alléguée.
CRÉDIBILITÉ
Depuis, elle trouve très ardu de tenir le coup pour que justice soit rendue.
« On cherche à me convaincre de laisser tomber certains chefs d’accusation. J’ai beau avoir des preuves, on essaie de me décourager, de régler hors cour plutôt que d’aller à procès », se désole Mme Bernier.
« Il faut que je me batte pour dire que ce qu’il m’a fait, c’est grave », poursuit-elle.
Pendant ce temps, son assaillant présumé habite à quelques minutes à pied de chez elle.
La plaignante a par ailleurs du mal à accepter qu’on lui reproche d’avoir voulu, à un certain moment, retirer sa plainte.
« On me dit que j’ai perdu ma crédibilité, mais combien de femmes retirent leur plainte ou retournent vers leur conjoint violent, par peur de leurs menaces ? » s’indigne-t-elle, plaidant pour plus de compréhension dans le système.
« Avec [les féminicides], pourquoi laisser aller ça comme ça ? » déplore Mme Bernier.
ARRÊT DE TRAVAIL
En attendant que la cause soit entendue, la secrétaire dans un bureau d’avocats est en arrêt de travail depuis janvier.
« J’ai réussi à continuer un bout, mais ça ne marchait pas. Je ne dormais pas, je faisais des cauchemars, avec les procédures qui traînent en plus… »
Et l’aide des organismes qui assistent les victimes, bien qu’elle soit nécessaire, tarderait à venir.
« J’ai eu ma première rencontre autorisée par le CAVAC [Centre d’aide aux victimes d’actes criminels] avec un psy… la semaine dernière, dit-elle. C’est sans compter qu’on m’a indemnisée [de] 300 $ pour mon déménagement que le mois passé. Quand c’est arrivé, j’étais démunie. »
Mme Bernier se promet toutefois d’aller au bout des choses, maintenant.
« ON CHERCHE À ME CONVAINCRE DE LAISSER TOMBER CERTAINS CHEFS D’ACCUSATION. J’AI BEAU AVOIR DES PREUVES, ON ESSAIE DE ME DÉCOURAGER, DE RÉGLER HORS COUR PLUTÔT QUE D’ALLER À PROCÈS. »
– Claudie Bernier, victime alléguée