Le Journal de Montreal

Le processus est dissuasif et ardu, dit une plaignante

Une victime alléguée de violence conjugale déplore les délais du système judiciaire

- JONATHAN TREMBLAY

SAINT-JÉRÔME | Après un autre report en un an du dossier de son ex-conjoint, une victime alléguée de violence conjugale déplore la lourdeur du système, qui selon elle, décourage les femmes à poursuivre des démarches pour obtenir justice.

« C’est comme ça depuis le début, c’est ridicule », laisse tomber Claudie Bernier.

La femme de 34 ans dit s’être sentie interpellé­e par les récents féminicide­s qui ont récemment secoué le Québec. Pour cette raison, elle a accepté de prendre la parole à visage découvert au nom d’autres potentiell­es victimes de violence conjugale, et ce, malgré ses craintes de représaill­es.

Récemment, la cause de son ex, qui est entre autres accusé de voies de fait, de menaces de mort, de harcèlemen­t, de bris d’interdit de contact et d’entrave, a de nouveau été reportée au palais de justice de Saint-Jérôme.

Ça fait plus d’une demi-douzaine de fois dans la dernière année qu’elle vit pareille situation.

« Pendant ce temps, il est en liberté, il n’est pas puni, et il pourrait recommence­r. Il ne l’a pas, sa leçon », fait valoir celle qui a déposé sa première plainte à la police en mars 2020.

L’homme, dont on taira le nom puisqu’il n’a pas été déclaré coupable, l’aurait notamment étranglée à plusieurs reprises, poignardée et tirée par les cheveux, sur une période de six mois, selon sa victime alléguée.

CRÉDIBILIT­É

Depuis, elle trouve très ardu de tenir le coup pour que justice soit rendue.

« On cherche à me convaincre de laisser tomber certains chefs d’accusation. J’ai beau avoir des preuves, on essaie de me décourager, de régler hors cour plutôt que d’aller à procès », se désole Mme Bernier.

« Il faut que je me batte pour dire que ce qu’il m’a fait, c’est grave », poursuit-elle.

Pendant ce temps, son assaillant présumé habite à quelques minutes à pied de chez elle.

La plaignante a par ailleurs du mal à accepter qu’on lui reproche d’avoir voulu, à un certain moment, retirer sa plainte.

« On me dit que j’ai perdu ma crédibilit­é, mais combien de femmes retirent leur plainte ou retournent vers leur conjoint violent, par peur de leurs menaces ? » s’indigne-t-elle, plaidant pour plus de compréhens­ion dans le système.

« Avec [les féminicide­s], pourquoi laisser aller ça comme ça ? » déplore Mme Bernier.

ARRÊT DE TRAVAIL

En attendant que la cause soit entendue, la secrétaire dans un bureau d’avocats est en arrêt de travail depuis janvier.

« J’ai réussi à continuer un bout, mais ça ne marchait pas. Je ne dormais pas, je faisais des cauchemars, avec les procédures qui traînent en plus… »

Et l’aide des organismes qui assistent les victimes, bien qu’elle soit nécessaire, tarderait à venir.

« J’ai eu ma première rencontre autorisée par le CAVAC [Centre d’aide aux victimes d’actes criminels] avec un psy… la semaine dernière, dit-elle. C’est sans compter qu’on m’a indemnisée [de] 300 $ pour mon déménageme­nt que le mois passé. Quand c’est arrivé, j’étais démunie. »

Mme Bernier se promet toutefois d’aller au bout des choses, maintenant.

« ON CHERCHE À ME CONVAINCRE DE LAISSER TOMBER CERTAINS CHEFS D’ACCUSATION. J’AI BEAU AVOIR DES PREUVES, ON ESSAIE DE ME DÉCOURAGER, DE RÉGLER HORS COUR PLUTÔT QUE D’ALLER À PROCÈS. »

– Claudie Bernier, victime alléguée

 ?? PHOTO JONATHAN TREMBLAY ?? Claudie Bernier a voulu raconter une partie de son histoire, vendredi dernier, devant le palais de justice de Saint-Jérôme, sur la Rive-Nord de Montréal, dans le but de sensibilis­er le système judiciaire à la situation des victimes alléguées.
PHOTO JONATHAN TREMBLAY Claudie Bernier a voulu raconter une partie de son histoire, vendredi dernier, devant le palais de justice de Saint-Jérôme, sur la Rive-Nord de Montréal, dans le but de sensibilis­er le système judiciaire à la situation des victimes alléguées.

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