Au Far West de la cryptomonnaie
Il a finalement fallu que des jeunes de moins de 20 ans se fassent, semble-t-il, dépouiller par les malins créateurs d’une cryptomonnaie québécoise pour se rendre compte à quel point n’importe qui dans le monde peut créer son propre « bitcoin » dans le dessein de faire une passe d’argent sur le dos de spéculateurs néophytes.
Mon collègue, Julien McEvoy, rapportait mercredi qu’une quinzaine d’investisseurs de 16 à 20 ans avaient notamment perdu d’importantes sommes d’argent après avoir misé de 1000 $ à 50 000 $ sur le jeton MRS (Marsan Exchange Token) qu’avaient récemment lancé Antoine Marsan et Bastien Francoeur, tout en en faisant la promotion par l’entremise d’influenceurs sur le réseau Snapchat.
Lancé le 1er mars dernier à 6 cents, le jeton MRS atteignait les 5,22 $ le 18 avril en cours de séance. Puis ce fut l’effondrement à la suite de la vente massive du token québécois par un mystérieux investisseur. Le 20 avril, le MRS touchait un creux de 7 cents. Hier midi : 16 cents.
L’AMF et la police de Laval enquêtent actuellement sur le nébuleux krach de la non moins nébuleuse cryptomonnaie québécoise MRS.
CRÉATION LIBRE
À l’instar de tous les organismes chargés de surveiller le monde des valeurs mobilières et autres produits financiers aux quatre coins de la planète, l’Autorité des marchés financiers (AMF), affirme son PDG, Me Louis Morisset, ne peut empêcher au Québec la création d’une quelconque cryptomonnaie locale.
Selon le grand patron de l’AMF, il est d’ailleurs aussi facile de créer un jeton
(token) de cryptomonnaie locale à son propre nom que d’ouvrir, dit-il, une page web.
Ainsi, partout dans le monde, il y a zéro contrôle sur la création de nouvelles cryptomonnaies. Advienne que pourra puisqu’aucune banque centrale (comme la Réserve fédérale américaine, la Banque du Canada, la Banque centrale européenne, etc.) n’a une quelconque emprise sur les cryptomonnaies.
C’est ce qui explique pourquoi les cryptomonnaies ont poussé comme de la mauvaise herbe. Il existe à l’heure actuelle autour de 9400 cryptomonnaies différentes qui circulent dans le merveilleux monde virtuel. Et ce, après en avoir vu au moins 1640 disparaître de la circulation ces dernières années.
Dans le Far West de la cryptomonnaie, c’est le Bitcoin qui domine le marché, avec une capitalisation de 932 milliards $ US. Prix de son jeton, hier à midi : 49 818 $ US. Au second rang, on retrouve l’Ethereum, avec une capitalisation de 269 milliards $ US, au prix unitaire de 2335 $ US. Suit ensuite le Binance Coin à 505 $ US pièce, pour une capitalisation de 78 milliards $ US.
FOLLE SPÉCULATION
Il suffit de suivre l’évolution du king de la cryptomonnaie, le Bitcoin, pour constater à quel point il a fait l’objet d’une incroyable spéculation. Et les investisseurs qui l’ont acquis, mettons en novembre 2015, alors que le Bitcoin se vendait 327 $ US, ont réalisé une fortune… s’ils l’ont conservé.
Au prix actuel de 49 818 $, ils ont multiplié leur investissement initial 152 fois. Cette phénoménale ascension du Bitcoin n’a évidemment pas été linéaire. Elle a été effectuée à coups de hausses spectaculaires et de déconfitures magistrales.
Nombre d’investisseurs ont fait fortune avec le Bitcoin. Mais je serais curieux de voir le nombre de spéculateurs néophytes qui se sont littéralement brûlé le portefeuille lorsque le Bitcoin piquait brutalement du nez ces dernières années. Fallait avoir des nerfs d’acier pour ne pas paniquer !
Créé en 2009, le Bitcoin est aujourd’hui devenu « la » référence de la cryptomonnaie dans le monde. Les 12 derniers mois de la pandémie du coronavirus lui ont été très profitables. Le prix du Bitcoin a explosé, passant de 7543 $ US (le 24 avril 2020) à un sommet de 63 588 $ le 13 avril dernier. Hier, il repassait sous la barre des 50 000 $, en chute de 20 %.
Derrière la forte appréciation du prix du Bitcoin depuis un an, il y a le nouvel intérêt de certains grands investisseurs et institutions financières pour certaines cryptomonnaies. Je pense, entre autres, à PayPal, JP Morgan, Facebook, Blackrock, Bain Capital, Stanley Drukenmiller, Paul Tudor Jones, Bill Miller, Eric Peters, Alan Howard, le célèbre Elon Musk de Tesla.
La mise sur pied de sites de négociation de cryptomonnaies, tels que Coinbase et Gemini a contribué à rendre plus accessibles les transactions des cryptomonnaies.
Même chose pour la création d’une panoplie de produits dérivés (dont des fonds négociés en Bourse, fonds à capital fixe, etc.) liés aux actifs de la cryptomonnaie.
MISE EN GARDE
Selon l’AMF, le Bitcoin, l’Ethereum, les jetons ERC20, etc. ne sont pas des valeurs mobilières, mais des « cryptoactifs de type marchandises ». Ils n’ont pas été créés, dit-elle, pour lever des capitaux, mais s’apparentent plutôt à des marchandises (comme le pétrole, l’or ou les tomates).
Par conséquent : « Une plateforme de cryptoactifs qui permet à ses clients d’acheter un jeton de type “marchandises” et d’en prendre (obligatoirement) possession immédiatement n’est pas assujettie à la Loi sur les valeurs mobilières .»
Mais, ajoute l’AMF, lorsqu’une plateforme permet à ses clients d’acheter des cryptoactifs et de les laisser dans un compte (ou wallet) sur la plateforme, alors là, bingo, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières affirment qu’il y a création d’un contrat d’investissement (une valeur mobilière) ou d’un instrument dérivé entre la plateforme et son client.
La plateforme devient donc assujettie aux obligations d’inscription et/ou de marchés de la législation en valeurs mobilières.
Mais ce n’est pas parce qu’une telle plateforme de négociation de cryptomonnaies relève de la surveillance des « gendarmes » des valeurs mobilières que le niveau de risque baissera dans ce type de placements hautement volatils.