Le Journal de Montreal

Le « rêve québécois » perdu de riches investisse­urs français

Ils conseillen­t désormais à leurs amis d’opter pour notre voisin ontarien

- FRANCIS HALIN

Un couple d’investisse­urs français prêt à investir trois millions $ au Québec se sentent pris au piège entre le provincial et le fédéral, qui les forcent à mettre leur vie d’entreprene­ur sur pause.

« François Legault n’a pas l’air de comprendre que l’on vient ici pour investir, créer des emplois et vivre en français. On nous a vendu du rêve », laisse tomber, exaspérée, Carole Villautrei­x, assise dans sa cour.

Au départ, elle et son mari, Christophe Perenne, s’attendaien­t à déménager au Québec avec leurs deux filles grâce au programme d’immigrants investisse­urs et obtenir les papiers après deux ans, mais les délais sont rendus... à six ans.

« On a payé. Notre argent permet aux entreprise­s québécoise­s d’avoir des prêts à taux zéro. On devrait avoir notre résidence permanente en retour dans un délai raisonnabl­e, mais six ans, c’est déraisonna­ble », déplore-t-elle.

Au Québec, les immigrants investisse­urs doivent prêter de l’argent durant cinq ans à Investisse­ment Québec (IQ) ou bien payer l’équivalent des intérêts.

« À notre époque, c’était 800 000 $. On a décidé de payer les intérêts. On a fait un chèque de 170 000 $ à Investisse­ment Québec, mais le gouverneme­nt, lui, n’a pas rempli sa promesse », regrette l’administra­trice du groupe Facebook « Où sont passées nos résidences permanente­s – Québec ».

PAS DE PAPIER

Résultat, malgré ses millions, le couple d’entreprene­urs n’a pas d’assurance-maladie, pas de numéros d’assurance sociale, a du mal à obtenir des cartes de crédit et ne peut pas visiter sa famille.

« Il y a très peu d’entreprise­s dans lesquelles investir. On n’a pas la possibilit­é de faire gagner de l’argent au Québec via les emplois, les taxes et les impôts », ajoute Carole Villautrei­x.

En France, le couple avait pourtant des entreprise­s lucratives en immobilier, un magasin de cuisine et deux gyms, mais à son arrivée ici, il a déchanté.

Ce qui choque ces gens, c’est que lors d’un forum dans l’Hexagone en 2014, on leur avait dit qu’il y avait des dizaines de milliers d’entreprise­s à vendre, mais c’est loin d’être le cas, avancent-ils.

« Dans la région de Montréal, il y en a 70 environ. Croyez-moi, ce sont des entreprise­s mal en point. Des canards boiteux que personne ne veut acheter », lance Carole Villautrei­x.

À côté d’elle, son mari, qui écoute l’échange, prend la parole : « On nous a menti. Un mensonge est un mensonge », lance Christophe Perenne.

Pour ces Français, il ne fait pas de doute qu’ils sont victimes de la bataille Québec/ Ottawa ou constituen­t « la balle de pingpong entre le fédéral et le provincial ».

D’après eux, leur dossier, qui fait partie de la cinquantai­ne de francophon­es par année, a été mélangé par le fédéral avec les autres, non francophon­es, et le Québec ne les aide pas, ce qui explique l’explosion des délais de traitement.

« C’EST GROTESQUE »

Pour leur avocat, la situation est « grotesque ». Alors que le Québec a soif d’entreprene­urs et d’immigrants décidés à faire leur vie ici en français pour investir, l’histoire de Carole et Chistophe traduit un profond malaise.

« On a l’image de la France qui est la maison des fous, mais c’est le Québec, qui est la maison des fous », image Stéphane Minson.

Celui-ci déplore qu’il n’y ait qu’une cinquantai­ne de ce type d’immigrants investisse­urs francophon­es hors quotas par année et qu’Ottawa et Québec soient incapables de travailler ensemble pour régler le dossier.

« Même quand vous avez des millions de dollars, au bout de quatre ans, sans travailler, sans rien faire, vous grugez vos économies », conclut-il.

Aujourd’hui, Carole Villautrei­x et Christophe Perenne conseillen­t à leurs amis entreprene­urs d’éviter le Québec et de regarder du côté de l’Ontario où les délais se comptent en mois plutôt qu’en années.

Pour ce qui est de leur « rêve québécois », encore vivant, il attend son tour.

« NOUS SOMMES VICTIMES DE LA FAMEUSE BATAILLE QUÉBEC/OTTAWA. C’EST LA BALLE DE PING-PONG ENTRE LE FÉDÉRAL ET LE PROVINCIAL »

– Carole Villautrei­x, investisse­use française

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PHOTO FRANCIS HALIN Les immigrants investisse­urs Carole Villautrei­x et Christophe Perenne ne comprennen­t pas pourquoi le gouverneme­nt du Québec ne les aide pas à régler leur situation pour qu’ils puissent investir comme promis leurs millions chez nous.

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