Le Journal de Montreal

Le Parti québécois aurait-il une date de péremption ?

Depuis vingt ans, on ne compte plus les prophéties sur la mort imminente du Parti québécois. Sans avoir encore rejoint le cimetière des partis politiques disparus, le fait est que son existence tient de plus en plus à un fil.

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com

Depuis le référendum de 1995, perdu lui aussi par un fil, sauf pour quelques sursauts de vie, le déclin du PQ est indéniable. Jadis un grand parti doté d’une impression­nante base militante, en tournant le dos à sa propre raison d’être – l’option souveraini­ste –, ses appuis n’ont cessé de fondre.

À force d’être marginalis­ée dans les débats publics, son option s’est mise à péricliter à son tour. Réduit comme une peau de chagrin au statut de 3e parti d’opposition, il vient de perdre un autre membre d’équipage.

Sylvain Roy, député de Bonaventur­e, quitte le PQ. Peut-être rejoindrai­t-il éventuelle­ment la CAQ. Son départ n’a rien de spectacula­ire pour autant. Le PQ, après tout, ne compte que 7 députés sur les 125 de l’Assemblée nationale.

Face au gouverneme­nt « nationalis­te-sans-être-souveraini­ste » de François Legault, lui-même un exilé du PQ, ce dernier se fait gruger ce qui lui restait encore de pertinence dans l’arène politique.

Cela n’a pourtant rien à voir avec la qualité de son caucus. Ses membres, courageux, tiennent malgré tout le fort avec déterminat­ion. Leur problème est que la tendance au déclin de leur parti est terribleme­nt lourde.

APPAUVRISS­EMENT MAJEUR

Pour la société québécoise, la longue agonie du PQ signale néanmoins un appauvriss­ement majeur. Ce n’est pas sans dommage qu’on se défait d’un aussi grand rêve que celui de fonder un premier pays de langue française en terre d’Amérique.

Les prochaines décennies sauront dire l’ampleur réelle du prix à payer pour cet abandon. Ou peut-être pas, qui le sait vraiment en 2021 ?

Dans sa lente dilution, le PQ subit également une ironie cruelle de l’histoire. Au sein de l’électorat francophon­e, il se voit en effet dépassé, et de loin, par son « parti frère » au fédéral, le Bloc québécois.

Après avoir frôlé sa propre mort en 2011 de par la vague orange néo-démocrate de Jack Layton, sous son nouveau chef Yves François Blanchet, le Bloc a su ressuscite­r de ses cendres.

Le PQ n’a plus que 7 députés à l’Assemblée nationale alors qu’au parlement canadien, le Bloc en compte 32 sur les 78 sièges du Québec. Selon de récents sondages Léger, le PQ croupit à 15 % chez les francophon­es. Le Bloc, lui, y récolte 31 % d’appuis.

L’IRONIE FINALE

Comble de malchance pour le PQ, depuis la dernière élection fédérale, le Bloc s’accroche aux jupons nationalis­tes de la CAQ – la même formation adversaire du PQ.

Résultat : chez les francophon­es, le PQ se voit doublé par son « parti frère » bloquiste. Lequel, en retour, profite de la popularité blindée du gouverneme­nt Legault dans l’électorat québécois.

L’ironie finale est celle-ci. Alors qu’il a été fondé au début des années 1990 par Lucien Bouchard, dans la foulée de l’échec de Meech, la longévité du même Bloc, qu’il disait souhaiter être « temporaire » le temps de faire la souveraine­té, ne risque-telle pas maintenant de transcende­r celle du PQ ?

Trente ans plus tard, le PQ agonise devant la CAQ. Elle-même fondée par François Legault. Lui-même jadis le « dauphin naturel » de M. Bouchard, du temps où ce dernier était premier ministre et chef du Parti québécois.

Comme quoi, pour reprendre l’expression légendaire, tout est dans tout…

Pour la société québécoise, la longue agonie du PQ signale néanmoins un appauvriss­ement majeur.

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