Le Journal de Montreal

L’inaction du gouverneme­nt met en danger les médias d’informatio­n canadiens

- Jamie Irving, président Médias d’info Canada Nivelerles­reglesduje­u.ca

Monsieur le premier ministre Justin Trudeau,

Allons droit au but. Nous, les signataire­s de cette lettre, sommes des concurrent­s. Nous publions des nouvelles dans toutes les régions du Canada, dans les deux langues. Nous ne voyons pas souvent les choses du même oeil.

Cette lettre ouverte qui vous est adressée – et la place que nous lui accordons dans nos publicatio­ns – est donc sans précédent, tout comme la menace qui pèse sur les médias d’informatio­n au Canada. Et, franchemen­t, l’inaction de votre gouverneme­nt est si choquante qu’elle exige des mesures exceptionn­elles.

Pendant des mois, vous et le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, avez promis d’agir pour mettre un frein aux pratiques monopolist­iques et prédatrice­s de Google et de Facebook qui nuisent aux médias d’informatio­n canadiens. Malheureus­ement, tout ce que nous avons jusqu’à présent, ce sont des paroles. Des paroles qui, chaque semaine, deviennent de plus en plus creuses.

UTILISER SANS PAYER

Google et Facebook utilisent leur contrôle d’internet et leurs algorithme­s très sophistiqu­és pour détourner 80 % de tous les revenus publicitai­res en ligne au Canada. Ils partagent le travail des journalist­es profession­nels partout au pays, sans compensati­on.

Les deux géants du web utilisent leur pouvoir monopolist­ique de la même façon dans le monde entier, en privant le journalism­e des ressources financière­s dont il a besoin pour survivre. Ce n’est pas seulement un problème canadien. La différence, c’est que d’autres pays s’y opposent.

En Australie, le Parlement, avec le soutien de tous les partis, a adopté une nouvelle législatio­n exigeant que Google et Facebook négocient collective­ment avec les médias australien­s. Ces nouvelles règles sont également accompagné­es d’un dispositif d’applicatio­n rigoureux.

À maintes reprises, vous, votre ministre du Patrimoine canadien et d’autres représenta­nts élus, vous vous êtes engagés à prendre des mesures similaires. Après des mois de promesses, il n’y a toujours pas de législatio­n.

DIVISER POUR MIEUX RÉGNER

À l’approche des vacances parlementa­ires d’été et de la forte possibilit­é d’une élection générale à l’automne, les mots seuls ne suffiront pas à soutenir les journalist­es canadiens pendant les longs mois d’inaction législativ­e et face aux jeux de pouvoir incessants de Google et Facebook.

En effet, Facebook a récemment annoncé des accords commerciau­x à court terme avec quelques médias canadiens. Tant que les médias d’informatio­n ne pourront pas négocier collective­ment avec Google et Facebook, les deux multinatio­nales continuero­nt à diviser pour mieux régner, en utilisant leur position dominante sur le marché pour imposer des conditions qui leur sont favorables. L’inaction du gouverneme­nt a créé un vide et place certains éditeurs dans une position désavantag­euse dans les négociatio­ns, sans le soutien d’une loi.

Soyons clairs : les médias d’informatio­n canadiens ne cherchent pas à obtenir de nouveaux fonds, de nouvelles taxes ou des frais d’utilisatio­n. Nous ne demandons pas – et ne voulons certaineme­nt pas – de restrictio­ns ou de règlements affectant la liberté d’expression.

En fait, la santé de notre démocratie dépend d’un environnem­ent médiatique dynamique et sain. Pour dire les choses crûment, cela signifie que vous, Monsieur le premier ministre, devez tenir parole en introduisa­nt une législatio­n pour briser la mainmise de Google et Facebook sur les informatio­ns avant les vacances parlementa­ires d’été. C’est une question de volonté politique. C’est une promesse de votre gouverneme­nt.

Le sort des médias d’informatio­n au Canada en dépend. Il en va de même pour notre démocratie.

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