La misogynie exposée
La misogynie du célèbre artiste n’est pas cachée dans Picasso. Figures
Quand le Musée national des beaux-arts du Québec a su qu’il pourrait exposer 76 oeuvres du légendaire Pablo Picasso en exclusivité canadienne, l’euphorie a vite fait place au questionnement : comment présente-t-on, en 2021, des chefs-d’oeuvre créés par un artiste ouvertement misogyne ?
Non seulement le controversé peintre espagnol, fondateur du cubisme, n’aimait pas les femmes, mais il les maltraitait. Viols, séquestrations, voies de fait, actes pédophiles : depuis quelques années, ses rapports pervers avec les femmes sont de plus en plus évoqués dans l’espace public.
De lui, le plasticien dano-islandais Olafur Eliasson a dit récemment au quotidien espagnol El Pais qu’il était le « Harvey Weinstein de son époque ».
Au MNBAQ, à l’ère où les agressions commises par des artistes sont plus que jamais dénoncées sur la place publique, on s’est retrouvé devant un dilemme moral. Peut-on l’exposer ?
« Nous étions déchirés parce qu’on ne peut nier que c’est un artiste d’une grande importance dans l’histoire de l’art. Il a défoncé des portes et s’est renouvelé tout au long de sa carrière. En même temps, ce n’est pas un homme extraordinaire. Quand on approfondit nos connaissances sur sa vie personnelle, ça devient troublant, et même difficile d’en parler », convient la commissaire d’exposition, Maude Lévesque.
SOIF DE TRANSPARENCE
La solution du MNBAQ ? Ne rien cacher.
Dès l’entrée dans la salle d’exposition du pavillon Lassonde, le vrai visage de Picasso est dévoilé à travers les portraits qu’il a faits de six compagnes qui ont subi ses abus. L’une de ces toiles, intitulée La lecture, superbe représentation de Marie-Thérèse Walter, constitue une pièce majeure de l’exposition Picasso.
Figures, qui dévoile des tableaux et sculptures rarement vus du peintre mort en 1973, à l’âge de 91 ans.
« Les gens ont une soif de transparence, affirme Maude Lévesque. Il fallait regarder de quelle manière son oeuvre peut servir notre société aujourd’hui et comment on peut aborder des enjeux importants. Ne pas seulement regarder le génie. »
Il reste que le génie, quand on parcourt cette exposition, saute encore une fois aux yeux.
Divisé en six thèmes (Figures féminines, Figures cubistes, Figures magiques, Figures sculpturales, Figures défigurées, Figures tardives), cet assemblage d’oeuvres produites entre 1895 et 1972, tirées de la collection personnelle de Picasso, fascine autant que l’histoire de son créateur dérange.
DIVERSITÉ CORPORELLE
En complément, et en lien avec l’obsession du peintre de déconstruire les canons esthétiques de la représentation du corps dans l’art, le MNBAQ a mis sur pied l’exposition Ouvrir le dialogue sur la diversité corporelle.
L’auteur Mickaël Bergeron, qui a agi comme consultant pour ce projet, croit que la tolérance face à la diversité corporelle s’installe petit à petit. « Depuis cinq ans, énormément de chemin a été fait. Qu’une institution comme le MNBAQ s’y intéresse et l’inclue dans une exposition, ça marque une étape importante. »
Picasso. Figures, au Musée national des beaux-arts du Québec, du 12 juin au 12 septembre.