De nouveaux masques à gaz qui ne sont pas étanches
L’armée canadienne a acheté pour 10 M$ d’appareils mal adaptés
Après avoir remplacé au moins 27 000 masques à gaz pour leurs militaires, les Forces armées canadiennes ont dû rapatrier tout l’équipement parce que les respirateurs n’offraient pas une protection adéquate.
Le masque à gaz est une protection de base fournie par l’armée canadienne aux quelque 42 000 membres des forces régulières et de la réserve. Chaque militaire a son propre respirateur, car il doit être parfaitement étanche selon la physionomie du visage.
Depuis plusieurs décennies, le respirateur CBRN C4 est utilisé par l’armée, mais les Forces armées canadiennes (FAC) ont entrepris un changement d’équipement au cours de la dernière année, au profit du Low Burden Mask ou C5 de la compagnie AirBoss, au coût unitaire de 357 $ pour un total de 9,7 M$.
Or, voilà que les nouveaux masques « n’offraient pas le niveau de protection prévu malgré le fait que les tests d’étanchéité initiaux aient été concluants et positifs », admet l’armée. Ainsi, un rappel de ces masques C5 a été ordonné et est toujours en cours depuis le 8 avril dernier.
REMPLACEMENT OBLIGATOIRE
« La consigne envoyée aux soldats est très claire : l’utilisation du masque devait cesser et tous les masques devaient être retournés », a indiqué le bureau des médias de la Défense nationale. Pour le moment, 89 % des masques ont été retournés pour un total de 24 000, et 3000 d’entre eux sont toujours entre les mains de militaires.
Les militaires qui retournent le C5 se voient remettre un « vieux » C4, mais chacun doit alors refaire un test d’étanchéité.
Cette mesure est « plus difficile à appliquer », de l’aveu même des FAC, pour les militaires présentement en mission à l’étranger, bien que ce nombre soit petit.
Cette « saga » des masques à gaz irrite les militaires avec qui Le Journal s’est entretenu, et plusieurs y voient une situation qui se répète régulièrement quand vient le temps de choisir du matériel pour les hommes et les femmes sur le terrain.
« On choisit un modèle et toutes les fois c’est toujours le modèle qui sort de nulle part qui est finalement pris », déplore un militaire.
Le lieutenant-colonel à la retraite Rémi Landry n’est pas surpris de cet autre problème dans l’approvisionnement des Forces armées, lui qui donne en exemple la saga des hélicoptères Sea King, celle des F-35 ou encore le lieu de construction des navires de ravitaillement.
INGÉRENCE
Des enjeux politiques, économiques et régionaux viennent régulièrement interférer quand vient le temps d’acheter de l’équipement.
« La décision finale n’appartient pas toujours au ministère de la Défense », constate M. Landry, qui est maintenant professeur à l’Université de Sherbrooke. « C’est systémique, tout le monde essaye d’avoir son mot à dire », ajoute-t-il.
Les FAC estiment que les C5 pourraient être remis en circulation une fois les solutions pour corriger les défectuosités du masque trouvées par le fabricant.