Le Journal de Montreal

Au musée, fichez-moi la paix !

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher@quebecorme­dia.com

Depuis deux semaines, je suis à Paris, où je fais le plein d’expos. Louis de Funès à la Cinémathèq­ue française. Albert Uderzo (le papa d’Astérix) au musée Maillol. Et une expo conjointe Rodin-Picasso au musée Picasso et au musée Rodin.

À un moment donné, ça m’a frappée. Dans ces expos, jamais on n’a cherché à me faire la morale, à me dire que les oeuvres que je regardais étaient misogynes, racistes, réactionna­ires, etc.

Ouf ! Ça fait du bien d’aller au musée sans se faire rééduquer !

PICASSO, GROS MACHO ?

J’ai passé deux heures au Musée Picasso sans qu’on me rebatte les oreilles avec la culture du viol ou la misogynie du peintre.

Après l’expo, il n’y avait pas (contrairem­ent à l’expo Picasso présentée au MNBAQ) une après-expo sur « les stéréotype­s associés aux genres, la grossophob­ie et la représenta­tion des corps non normés ».

Non, c’était juste une expo Picasso avec des Picasso au Musée Picasso. C’est fou, hein ?

À côté de certaines oeuvres, il y avait des affichette­s spéciales destinées aux enfants. On ne leur parlait pas comme à des demeurés.

J’ai même vu une affichette à côté d’un dessin de femme nue aux jambes écartées qui proposait aux enfants d’observer la technique particuliè­re du peintre.

On n’avait pas, contrairem­ent à l’expo de Québec, l’intention de nous parler de « ses comporteme­nts répréhensi­bles à l’égard des femmes ».

À la fin, j’ai eu une petite frousse. Une affiche indiquait une suite à l’étage intitulée : Lectures et relectures. J’ai lancé à Richard : « Bon, ça y est, on va nous imposer une relecture politiquem­ent correcte ». J’y suis allée à reculons, convaincue que j’allais me faire sermonner.

Pas du tout ! C’était une expo absolument passionnan­te sur les liens entre Picasso et… la lecture !

Au musée Rodin, même chose : on mettait en parallèle la fascinatio­n des deux génies pour le corps des femmes mais sans jamais les dépeindre comme des gros machos.

À l’expo Louis de Funès, j’ai vu des gens de 7 à 77 ans se bidonner devant des extraits de L’aile ou la cuisse, Le gendarme de St-Tropez et Les aventures de

Rabbi Jacob. On pouvait même se faire photograph­ier à côté d’un costume de juif hassidique, comme en porte De Funès dans ce film hilarant. Personne ne nous parlait d’appropriat­ion culturelle !

À l’expo sur Albert Uderzo, devant toutes les bandes dessinées, à aucun moment on n’est venu me dire : « Regardez comment Uderzo présentait des stéréotype­s sur les Corses, les Espagnols, ou sur Cléopâtre ».

On était loin du Musée des Beaux-Arts du Canada qui présente, après son expo Rembrandt, des artistes noirs et autochtone­s offrant une perspectiv­e « non occidental­e » et un « dialogue » avec le « contexte colonialis­te » du grand maître.

Ce qui se faisait en 1900 ou en 1970 ne peut pas être analysé avec nos yeux de 2021

PAS DE « WOKE » AU MUSÉE

Dans ces exposition­s parisienne­s, on me laissait apprécier les oeuvres en se fiant à mon intelligen­ce. On comprenait très bien que ce qui se faisait en 1900 ou en 1970 ne peut pas être analysé avec nos yeux de 2021.

Mais surtout, on s’inclinait devant le génie de ces créateurs hors du commun. J’étais dans le plaisir, dans la beauté.

Et je n’avais pas l’impression, que j’ai parfois chez nous, d’aller à la petite école quand je vais au musée.

Vous savez quoi ? Ça faisait du bien...

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