Le Journal de Montreal

Kalifat : ça peut arriver à n’importe qui

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Maintenant qu’on reçoit des amis, on se parle forcément de nos meilleures découverte­s télévisuel­les.

Mon dernier coup de coeur est suédois : Kalifat. Huit épisodes. Vous n’avez pas quatre saisons de rattrapage à vous taper.

Ne craigniez rien, je ne divulgâche­rai pas.

PIÉGÉE

La Suède est, comme le Québec, une petite société qui a longtemps cru qu’elle avait réussi l’intégratio­n de ses immigrants.

Kalifat, c’est une plongée hallucinan­te dans la radicalisa­tion religieuse des jeunes et leur embrigadem­ent sophistiqu­é dans le terrorisme islamiste.

La série entrelace plusieurs intrigues, mais la plus émouvante est celle de la famille Wasem, originaire du Moyen-Orient, prototype de la famille qui veut pleinement s’intégrer.

On a choisi la Suède, pense le père, donc devenons Suédois.

Il trouve pénibles les soirées avec d’autres familles immigrante­s qui continuent à vivre « comme dans l’ancien pays ».

Ses deux filles adolescent­es sont typiques : écouteurs dans les oreilles, réseaux sociaux, s’imaginant incomprise­s de tous, cherchant leur place.

À l’école, la plus vieille tombe sous le charme d’un beau parleur, moniteur d’activités parascolai­res et d’aide aux devoirs.

Il lui dit qu’elle est une « vraie », tellement plus mature que les autres « flounes » de son âge. Les échanges de vidéos commencent.

Une femme plus âgée, charmante, lui présente d’autres « soeurs » plus avancées dans leur cheminemen­t spirituel et lui vante la Syrie.

La jeune fille ne connaît rien du Coran. Elle est seulement mal dans sa peau.

Un jour, elle arrive au souper familial avec un hijab. Le père capote. La mère se tait. La petite soeur est solidaire de la grande.

La fille, très astucieuse, joue la mère contre le père. Il est isolé. Il tente la méthode forte, puis la méthode douce.

Finalement, il achète la paix : tiens, je te redonne ton hijab. Il espère que ça n’ira pas plus loin.

Mais la jeune fille tient des propos de plus en plus inquiétant­s : tous les musulmans sont détestés, toutes les victimes des attentats l’ont bien cherché, etc.

Le père et la mère sont affolés. Leurs enfants leur échappent.

Ils se demandent ce qu’ils ont fait de mal. Rien, et c’est bien ça qui est terrible.

À travers tout cela, on nous dévoile l’extraordin­aire sophistica­tion de ces opérations de repérage, séduction, endoctrine­ment et enrôlement.

Je ne vous raconte pas tout le reste.

FEMMES

La plus grande partie de ce qu’on lit sur le terrorisme islamiste met en scène des hommes.

Une erreur fréquente est de croire que, dans cet univers sinistre, la femme n’est bonne qu’à servir son homme et à enfanter de futurs martyrs.

L’originalit­é et l’audace de la série sont de mettre en lumière les rôles stratégiqu­es des femmes dans cette mouvance.

Il faut saluer le courage des auteurs qui ont sans doute dû se faire accuser d’effectuer des « amalgames », d’être « islamophob­es », etc.

C’est terrifiant parce que personne, absolument personne, n’est à l’abri de voir un de ses enfants basculer dans cet enfer.

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