Un récit digne d’un roman policier
Un agent d’infiltration a raconté à un jury les différents scénarios utilisés pour soutirer des aveux aux accusés
Ignorant qu’elle était enregistrée par son complice allégué devenu délateur, une femme soupçonnée d’avoir aidé la mafia à faire disparaître deux cadavres lui a rapidement confié des détails sur les crimes.
Le jury du procès de Marie-Josée Viau et Guy Dion va être plongé, cette semaine, dans l’opération digne d’un roman policier, mise en place par la Sûreté du Québec dans l’espoir de leur soutirer des aveux.
Un agent d’infiltration (AI) de la police a entamé son témoignage, hier, en expliquant pourquoi les accusés en sont venus à être enregistrés à leur insu en 2019.
On ne peut l’identifier afin de protéger sa réelle identité. Il a été désigné aux jurés sous son matricule d’agent, soit 1203, ou Luc, qui a été son prénom d’emprunt.
L’AI a précisé qu'il devait accompagner dans différents « scénarios préétablis » le tueur à gages de la mafia qui a retourné sa veste afin d’aider à coincer le couple, qui aurait aidé à assassiner les frères Giuseppe et Vincenzo Falduto en juin 2016.
Au total, cinq rencontres distinctes ont eu lieu en juillet et août 2019, a noté Luc.
Le délateur, considéré comme un agent civil d'infiltration (ACI), et lui portaient alors des dispositifs d’enregistrement, et les audios seront présentés au jury un à un.
PRÉPARATION NÉCESSAIRE
Luc a été approché en mai 2019 afin de prendre part à l’enquête, a-t-il relaté.
Rapidement, il a rencontré le tueur à gages qui collaborait avec la police afin de se familiariser avec lui.
« C’était important d’avoir une bonne chimie pour que lorsqu’on débarque sur le terrain, qu’on ait l’air de deux personnes qui se connaissent. Si y’a pas une chimie d’installée, c’est sûr que la musique, elle sonne faux », a relaté l’AI 1203.
Ils se sont donc vus à plusieurs reprises dans divers contextes, comme au restaurant ou au cinéma, avant d’entrer en scène pour un premier scénario, le 4 juillet 2019.
« Un petit inside, une blague de la veille, un clin d’oeil, ça vient augmenter la crédibilité du lien qu’on essaye de faire miroiter aux gens », a détaillé Luc.
« RENCONTRE FORTUITE »
C’est dans cette optique que l’agent d’infiltration et le délateur se sont rendus dans un restaurant de la Rive-Sud où travaillait Marie-Josée Viau, pour une « rencontre fortuite », pour établir un premier contact.
« Elle écarquille des yeux [en voyant le tueur à gages], a décrit l’AI 1203. Elle est sortie à l’extérieur laver des tables. L’ACI en a profité pour aller la voir [...] et verbaliser avec elle. »
C’est au cours de cet entretien qu’elle croyait improvisé que le tueur à gages en a profité pour tenter d’obtenir des confidences de la part de la femme aujourd’hui accusée de complot pour meurtres.
Rapidement, la conversation a bifurqué vers les crimes allégués. Et Viau a semblé expliquer comment son conjoint et elle se sont débarrassés des corps, évoquant un feu et de l’eau de javel.
« J’ai vidé huit bouteilles de deux litres d’eau de javel là-dedans. Ça sent, les yeux y brûlent. [...] Les objets ont disparu. On les a pu retrouvés », a entendu le jury, hier, alors que l’audio du premier scénario a été présenté, au Centre judiciaire Gouin, à Montréal.
« On a toute brûlé. [...] Toute a été faite. Tu sais-tu combien de gallons de gaz qu’on a pris ? », a-t-elle dit, ne sachant vraisemblablement pas qu’elle était enregistrée par le tueur à gages, qui lui posait des questions.
Vers la fin de l’échange, qui a duré plus d’une heure et demie, Viau lui a donné son numéro de téléphone pour qu’ils restent en contact, tout en le mettant en garde.
« On s’entend qu’on parle pas de ça sur le téléphone, pis on se texte pas non plus », a-t-elle prévenu.