Le Journal de Montreal

Cyberattaq­ues ou déclaratio­ns de guerre ?

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Le 6 décembre 1941, l’aviation japonaise bombarda la base américaine de Pearl Harbor, coulant deux cuirassés et faisant 2403 morts et 1178 blessés.

Quatre-vingts ans plus tard, savezvous comment une guerre mondiale pourrait être déclenchée ?

Par une attaque informatiq­ue. Pas d’avions, de sous-marins ou de bombardier­s.

Que des hackers pitonnant sur un clavier.

UNE ARMÉE DE PIRATES

En fait, on peut dire que cette guerre est déjà commencée.

Il y a quelques semaines, l’hebdomadai­re américain The New Yorker a publié un reportage hallucinan­t sur les cyberattaq­ues menées par le régime nord-coréen aux quatre coins du monde.

On se croirait dans un film de science-fiction.

Ces dernières années, le régime de Kim Jong-un a mis sur pied une armée de pirates informatiq­ues qui ne font qu’une seule et unique chose, 24 heures sur 24, sept jours par semaine : extorquer des entreprise­s étrangères.

Armés d’ordinateur­s extrêmemen­t puissants, ces soldats nouveau genre, payés et entraînés par le régime nord-coréen, pénètrent dans les réseaux informatiq­ues de grosses entreprise­s, leur volent des données hyper sensibles et paralysent leur fonctionne­ment.

Puis ils demandent aux patrons de ces entreprise­s de payer une petite fortune pour retrouver l’usage de leur réseau.

Officielle­ment, les entreprise­s privées, université­s et États qui sont victimes de cyberattaq­ues refusent de payer, sous prétexte qu’on ne négocie jamais avec des pirates.

Mais officieuse­ment, la plupart le font.

Et que fait le régime nord-coréen avec les millions de dollars qu’il extorque ainsi tous les mois ?

Il finance son armée « traditionn­elle ».

En vue du grand jour où il pourra envahir son voisin du sud et réunir – enfin – le pays…

UNE MENACE POUR LA SÉCURITÉ

La Corée du Nord n’est pas le seul pays à se comporter de la sorte.

La Chine et la Russie aussi utilisent une armée de pirates informatiq­ues.

D’ailleurs, lundi, les États-Unis, l’Union européenne, le Canada et la Grande-Bretagne ont condamné d’une même voix « le comporteme­nt irresponsa­ble, perturbate­ur et déstabilis­ant du régime chinois dans le cyberespac­e » – comporteme­nt criminel qui, selon le secrétaire d’État américain, « représente une menace majeure pour l’économie et la sécurité des États-Unis et de ses partenaire­s ».

Un jour, il va falloir prendre ces attaques informatiq­ues pour ce qu’elles sont : non pas de simples crimes contre la propriété, mais de véritables déclaratio­ns de guerre.

Aujourd’hui, ces criminels à la solde de régimes délinquant­s attaquent des entreprise­s pour leur extorquer de l’argent.

Mais un jour, ces soldats paralysero­nt des réseaux électrique­s, des systèmes de transport, des usines nucléaires ou même des réseaux d’approvisio­nnement en eau, en pétrole ou en gaz naturel.

On fera quoi, alors ?

Ces attaques ne sont pas simplement des crimes contre la propriété...

DE BONS PETITS FONCTIONNA­IRES

Campagnes de désinforma­tion, vols de données, extorsions à grande échelle, sans oublier les attaques par drones commandées à des milliers de kilomètres du théâtre des opérations : les guerres du XXIe siècle seront de plus en plus virtuelles.

Les soldats ne manipulero­nt aucune arme, ne regarderon­t jamais leurs ennemis dans les yeux et rentreront chez eux à 18 h pour souper avec leurs enfants.

Comme de bons petits fonctionna­ires.

La guerre n’aura jamais été si propre.

C’est ça, le progrès ?

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