Retour du burlesque (sans lichettes)
Le principal établissement montréalais voué à ce type de spectacle a rouvert ses portes hier après 16 mois
À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
Hier soir, c’était la grande réouverture post-confinement du cabaret burlesque The Wiggle Room, situé sur le boulevard Saint-Laurent, et l’événement affichait complet.
« Nos quatre soirs de fin de semaine se sont vendus en moins de 24 heures », se réjouit Roxane Krief, alias Roxy Torpedo, une des productrices du spectacle Voix
de Ville (jeu de mot avec Vaudeville). Seul cabaret exclusivement consacré à ce genre au Canada, le Wiggle Room, situé directement devant le restaurant Schwartz, à Montréal, existe depuis huit ans.
Des troupes se produisent à la Sala Rossa ou au Café Cléopâtre, notamment. Une académie de danse appelée Arabesque Burlesque forme la relève.
Avec la réouverture du Wiggle Room, un Montréalais peut dénicher un spectacle burlesque pratiquement chaque soir… pourvu qu’il réserve tôt.
FOU FOU FOU
À mon arrivée, Mme Krief, en costume, est allongée, le dos contre le bar, les jambes posées sur les cuisses de Pascale Jones, alias Frenchie Jones. La gérante du Wiggle Room noue les lacets de bottes de sa comparse.
« Mon corset m’empêche de me pencher », explique Mme Krief, 30 ans, diplômée en théâtre de l’Université du Québec à Montréal.
Surnommée la « maman du burlesque montréalais » en raison de sa manière de protéger, de chouchouter et de dorloter les artistes sous son aile, Frenchie Jones est notoirement capable de réveiller les spectateurs trop tièdes.
« Pour que la magie du burlesque opère, il faut que le public se déchaîne, hurle, tape du pied, chahute, rit », résume la maîtresse de cérémonie.
Les consignes sanitaires limiteront les contacts : « Tsé dans le burlesque, on liche quasiment la face du monde pour obtenir des réactions fortes, mais bon, là, il n’y aura pas de lichettes », rigole Mme Krief.
PETITES CULOTTES
Au Wiggle Room, les petites culottes ne tombent jamais (à défaut d’avoir le permis requis pour la nudité totale). C’est un léger détail que les burlesqueuses excellent à faire oublier pendant leurs numéros.
Des exemples ? Une danseuse coiffée d’une perruque de nouilles se trémousse dans une boîte géante de « cup o’ noodles ».
Ou encore Frenchie Jones qui incarne le personnage terrifiant du film The Ring et qui déchire sa jaquette à la fin : un sousgenre appelé le « gorelesque ».
Il y a aussi, bien sûr, des pin-ups à la Lili St-Cyr, mais aussi des hommes qui font du « boylesque » ; certains virilement, d’autres pas. « Tout est permis et il y a autant de genres que de performeurs », commente Mme Jones.
Les artistes se relaient à la demi-heure de 20 h 30 à minuit. Une gogo-girl se promène pour recueillir les pourboires.
La cagnotte est divisée également entre les artisans du spectacle.
DANSEUSES NUES
Mmes Krief et Jones se considèrent-elles comme des danseuses nues ?
« Tout à fait ! » s’exclament-elles.
« Mais on gagne beaucoup moins d’argent ! » nuance Mme Krief. « On ne fait pas ça non plus strictement pour le regard des hommes », ajoute Mme Jones.
« Oui, on se déshabille, mais c’est foncièrement du théâtre, ce qu’on fait ! » résume Mme Krief.