Le Journal de Montreal

Voir un médecin, une épreuve

- KARINE GAGNON Chroniqueu­se politique karine.gagnon@quebecorme­dia.com

Voir un médecin en première ligne s’apparente depuis des mois à un véritable chemin de croix au Québec. Et le pire, c’est que la situation risque de perdurer encore plusieurs semaines.

Cela peut sembler paradoxal, mais il n’a sans doute jamais été aussi difficile de voir un médecin en première ligne que durant la pandémie. C’est le cas à Québec et à Montréal, mais aussi dans plusieurs autres régions.

Il est impossible de consulter un médecin de famille dès que vous souffrez de maux de tête, de fatigue, de toux, de congestion, de mal de gorge ou d’oreille. Comme il s’agit de symptômes pouvant s’apparenter à la COVID, les patients sont automatiqu­ement refusés.

Quand des médecins craignent de voir des patients, malgré le vaccin et le peu de cas de COVID, il y a de quoi se poser de sérieuses questions.

PATIENTS BALLOTTÉS

En quête d’un rendez-vous pour un proche, j’ai dû multiplier les démarches sur plusieurs jours. J’ai été orientée vers Info Santé, puis vers une clinique désignée d’évaluation (CDE), où il y avait une possibilit­é de rendez-vous dans une clinique en zone « chaude »… après six jours.

« Oui, il y a certains risques à attendre, c’est documenté dans la littératur­e : plus il y a d’attente, plus il y a de complicati­ons et de décès », confirme le Dr Gilbert Boucher, président de l’Associatio­n des spécialist­es en médecine d’urgence du Québec (ASMUQ). Ce dernier ajoute qu’heureuseme­nt, il ne semble pas y avoir eu de catastroph­e encore.

Le Dr Boucher a souvent dénoncé le fait que les urgences se retrouvaie­nt ainsi engorgées pour des cas qui auraient dû être vus en première ligne.

AUTRE ÉPIDÉMIE

Depuis la fin de juin, avec le déconfinem­ent, les virus autres que celui de la COVID se sont en effet multipliés. Une petite épidémie semblable à celle qu’on observe durant la saison de la grippe sévit. Au même moment, les CDE ferment progressiv­ement leurs portes, sur directive du ministère, étant donné la baisse des cas de COVID. À Québec par exemple, il n’en reste qu’une sur quatre. Bien des malades se retrouvent sans ressources autres que l’urgence.

« Vous êtes la quatrième journalist­e qui a des enfants et qui fait un article là-dessus pour avoir fait des démarches, et effectivem­ent, ce sont des chemins de croix », lance le Dr Boucher. Selon le spécialist­e, il aurait été possible d’aménager les choses autrement, en prévoyant des plages de consultati­on en zone chaude l’avant-midi et froide l’après-midi dans les cliniques, par exemple.

La situation dans les urgences a poussé le ministère de la Santé à émettre une directive sommant les médecins de famille à revoir leurs patients même s’ils ont des symptômes pouvant s’apparenter à la COVID. Ils ont jusqu’au 6 septembre pour se conformer.

Depuis, la situation n’a pas changé, et il ne faut pas s’attendre à de véritables modificati­ons avant la mi-août, estime le Dr Boucher. « Ça prend un petit peu de réaménagem­ent dans les cliniques, ça ne changera pas du jour au lendemain, mais on espère vraiment que ce sera opérationn­el à la fin août, alors qu’il y aura plus de volume de patients. »

Quand des médecins craignent de voir des patients, malgré le vaccin et le peu de cas de COVID, il y a de quoi se poser de sérieuses questions.

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