Le Journal de Montreal

Le trumpisme et le mot en F

- PIERRE MARTIN @PMartin_UdeM

Il est périlleux d’utiliser un terme chargé comme « fascisme », mais il y a aussi des risques à ignorer que le trumpisme s’en approche dangereuse­ment.

Non, Donald Trump n’est pas Hitler et les trumpistes ne sont pas des nazis, pas plus que ceux qui prônent le passeport vaccinal.

Rien de plus facile – et de moins utile – que de lancer des épithètes exagérées dans les débats politiques. Il ne faut toutefois pas oublier les leçons de l’Histoire, car plusieurs caractéris­tiques du trumpisme en rappellent de sombres épisodes.

INSIGNIFIA­NTES EXAGÉRATIO­NS

Jacques Parizeau aimait citer Talleyrand, qui disait que « tout ce qui est exagéré est insignifia­nt ». Il avait raison. Malgré tous ses défauts, Donald Trump n’est pas Hitler et ses partisans ne sont pas des nazis.

N’empêche que de plus en plus d’analystes politiques, à gauche comme à droite, n’hésitent pas à signaler de troublants parallèles entre le trumpisme et certains mouvements fascistes ou populistes autoritair­es de droite.

LE MOT EN F

C’est le cas de David Frum, ancien conseiller de George W. Bush, qui décrit dans un article récent des relents de fascisme – ou à tout le moins de péronisme – dans plusieurs agissement­s des républicai­ns. Il n’est pas le seul. De nombreux historiens et politologu­es font des observatio­ns semblables.

Quand Donald Trump caricature ses opposants comme des radicaux d’extrême gauche et traite les médias d’ennemis du peuple, on entend l’écho de Mussolini qui qualifiait tous ses opposants de bolchéviqu­es et d’autres autocrates qui muselaient la presse.

Les républicai­ns auraient pu renoncer au trumpisme après novembre 2020. Ils ont plutôt réaffirmé que leur parti est un culte de la personnali­té, où chaque élu doit se prosterner devant « l’empereur en exil » de MarA-Lago et adhérer au « Grand mensonge » de sa victoire volée. Pour le trumpisme, ce mensonge s’apparente aux mythes fondateurs des fascistes.

Comme les démocrates sont considérés comme des traîtres à la nation, les républicai­ns n’ont aucun scrupule à multiplier les obstacles à l’exercice du droit de vote pour leurs partisans minoritair­es ou défavorisé­s.

L’autojustif­ication du recours à la violence pour s’emparer du pouvoir politique est un autre trait du fascisme. On en retrouve des traces dans la banalisati­on – ou même la défense – de l’insurrecti­on violente du 6 janvier au Capitole par de nombreux républicai­ns. Trump louange encore les émeutiers qui ont répondu à son appel et les républicai­ns du Congrès feront tout pour entraver l’enquête sur ces événements tragiques.

L’HISTOIRE RIME

Pour haranguer les trumpistes, le « mot en F » est contre-productif, mais pour comprendre le trumpisme, il est essentiel.

Les trumpistes qui méritent cette étiquette honnie sont loin d’être majoritair­es dans l’électorat, mais, en noyautant le Parti républicai­n, ils sont parvenus à normaliser des idées et des pratiques qui sont dans le passé parvenues à éteindre la démocratie.

L’Histoire ne se répète pas nécessaire­ment, mais elle rime.

Le risque d’échec de l’expérience démocratiq­ue américaine n’est ni exagéré ni insignifia­nt et il ne faut pas avoir peur des mots pour le dire.

Malgré tous ses défauts, Donald Trump n’est pas Hitler et ses partisans ne sont pas des nazis.

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