Le Journal de Montreal

Parlons donc de la violence au masculin

- LOUISE DESCHÂTELE­T louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.co

Je suis né en région dans une famille ordinaire mais normale. C’està-dire une famille où l’homophobie était présente et où l’idée d’avoir un gai dans ses rangs était mal vue et surtout taboue. J’ai grandi en refoulant mes pulsions et je suis parti vivre dans une grande ville dès que j’ai pu me le permettre.

Ça m’a pris une dizaine d’années avant d’être capable de vivre mon homosexual­ité de façon ouverte. D’abord dans mon milieu de travail et ensuite avec certains de mes proches, comme une de mes soeurs et mon beau-frère. J’ai fréquenté quelques hommes de mon âge, mais sans jamais avoir de relation de longue durée.

Puis, j’ai rencontré un homme de dix ans mon aîné, et ce fut le coup de foudre réciproque. Physiqueme­nt, il était loin de faire son âge et comme il avait un emploi de prestige, il me gâtait financière­ment. Vous devez penser que j’ai eu bien de la chance, et c’est vrai que les apparences disaient ça. Mais le fond de cette affaire fut beaucoup moins rose.

Je suis tombé sur un homme autoritair­e qui, sous un couvert de générosité, cachait un manipulate­ur violent. Il surveillai­t mes allées et venues, fouillait dans mon cellulaire à la recherche de mails compromett­ants, et me soumettait à des questionna­ires serrés sur les gens que je fréquentai­s.

Il ne m’a jamais frappé avec ses poings, mais sa violence verbale était cinglante. Plus le temps passait et plus je me rétrécissa­is par en dedans. N’en pouvant plus après six ans de vie avec lui, j’ai choisi de partir. Il ne l’a pas pris, et c’est alors que son harcèlemen­t a commencé. Il a fallu que je le dénonce pour qu’il me fiche enfin la paix.

Je suis capable de vous écrire cela après avoir suivi un an d’une thérapie qui m’a révélé que j’avais bel et bien été victime de violence conjugale et pourquoi cet homme avait trouvé en moi la victime parfaite. Comme de cette violence-là on ne parle jamais, je voulais vous raconter mon histoire pour que les hommes qui la vivent n’aient pas à endurer aussi longtemps avant d’aller chercher de l’aide.

Un gars ben ordinaire

L’être humain malicieux possède malheureus­ement le pif pour bien cibler ses victimes. Heureuseme­nt que votre force intérieure a tiré en vous la sonnette d’alarme qui vous a incité à fuir pour ensuite vous orienter sur le chemin de la guérison.

J’apprenais en mai dernier qu’une étude universita­ire initiée par Valérie Roy, professeur­e titulaire à l’École de travail social et de criminolog­ie à l’Université Laval, s’était penchée sur ce phénomène peu abordé pour briser le cycle de solitude des victimes. Pour ceux que le sujet intéresse, je signale que le livre Le coeur au beurre noir : récit de sensibilis­ation à la violence dans les relations intimes ou amoureuses entre hommes rassemble des récits inspirés des hommes qui ont témoigné lors de l’étude en question.

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