Le Journal de Montreal

Pourquoi encore tenir des Jeux olympiques ?

- Loïc Tassé

Les Jeux olympiques de Tokyo ont quelque chose de pathétique. Ce n’est pas la faute des Japonais qui, dans les circonstan­ces, font un travail extraordin­aire pour offrir un événement de qualité.

Nous pourrons sans aucun doute assister à belles performanc­es qui feront oublier un instant la pénible pandémie que nous traversons. Les commentate­urs sportifs font déjà un excellent travail pour tenter d’insuffler un peu d’enthousias­me dans ces jeux. Mais les Jeux de Tokyo marquent une rupture. Une rupture qui se prépare depuis longtemps, entre un certain idéal porté par les Jeux et l’entreprise bassement politique et mercantile qu’ils sont devenus. Les Jeux sont un scandale politique et financier perpétuel.

1 Quel est l’idéal des Jeux ?

À l’origine, les Jeux impliquaie­nt une certaine paix entre les nations participan­tes. Si les combats entre les belligéran­ts ne s’arrêtaient pas toujours, au moins les spectateur­s et les athlètes pouvaient voyager librement jusqu’au sanctuaire d’Olympie. Déjà, les Jeux flattaient l’orgueil des villes dont les ressortiss­ants étaient sacrés champions. La version moderne des Jeux conserve un idéal de promotion de la paix entre les peuples. Il s’y ajoute la promotion de l’activité sportive, de l’égalité entre les êtres humains et du dépassemen­t de soi.

2 Pourquoi les Jeux sont-ils un scandale financier ?

Le plus grand scandale financier des Jeux n’est pas comme on pourrait le croire dans la corruption qui entoure leur attributio­n à une ville ni dans les revenus astronomiq­ues que dégagent le Comité olympique et les commandita­ires privés associés aux Jeux. Il est dans ce qu’il faut bien appeler l’exploitati­on éhontée des athlètes qui participen­t aux jeux, qui en sont les vedettes, mais qui ne touchent pas un sou pour leur présence. Ils récoltent la gloire et l’honneur, disent cyniquemen­t et cupidement les organisate­urs des jeux. En réalité, rien ne s’oppose à ce que les athlètes qui participen­t aux Jeux soient payés pour y être. Ces athlètes devraient aussi recevoir des bourses substantie­lles s’ils gagnent des médailles. La répartitio­n des revenus (et des déficits !) brise l’idéal d’égalité des Jeux olympiques.

3 Pourquoi les Jeux sont-ils un scandale politique ?

Étant donné les coûts élevés des jeux, ce sont les dictatures qui risquent de plus en plus d’organiser les Jeux. Parce que les électeurs des pays démocratiq­ues sont de plus en plus réticents à tenir ces jeux chez eux. Par exemple, il est scandaleux que la Chine organise les prochains Jeux olympiques, alors que le pays devient de plus en plus totalitair­e. Le prestige attaché à l’organisati­on des Jeux ne devrait jamais revenir à des dictatures.

4 Si rien n’est fait, quels seront les Jeux de demain ?

L’exploitati­on des athlètes nuit à la promotion du sport. La tenue des jeux dans des dictatures nuit à l’idéal de paix et d’égalité. S’ils conservent la même trajectoir­e, les Jeux risquent de se transforme­r en une sordide entreprise d’exploitati­on et de propagande politique.

5 Comment l’idéal olympique peut-il être restauré ?

Plusieurs solutions existent. Parmi elles, pour les Jeux d’été, transférer en permanence les Jeux en Grèce. Ainsi les coûts des jeux seraient-ils bien moindres, puisque les installati­ons ne seraient pas à construire chaque fois. Payer les athlètes et exclure des Jeux suivants, dans une même discipline, ceux qui ont gagné une médaille d’or, aiderait à briser l’exploitati­on. Les pays participan­ts devraient aussi payer ces Jeux au prorata de leur puissance économique et en fonction du nombre d’athlètes qu’ils y envoient.

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