Le Journal de Montreal

Le temps de lire

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Un livre important peut changer une vie. mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

« Je ne lis pas assez ». Combien de fois entendons-nous cette confession de la part d’un proche, d’un ami.

Cette confession est généraleme­nt fondée, hélas, à condition de s’accompagne­r de circonstan­ces atténuante­s.

C’est que notre époque est fondamenta­lement hostile à la lecture et plus encore, à la concentrat­ion sans laquelle elle est impossible.

Hypnotisés par nos écrans, passant de Facebook à Twitter, d’Instagram à nos textos, et consacrant l’essentiel de nos temps libres aux séries qu’on trouve sur Netflix et autres plateforme­s du même genre, nous nous dispersons en mille activités qui fragmenten­t notre attention et nous empêchent de nous plonger dans un livre. Sauf l’été, lorsqu’on décroche un peu, loin de la ville, et qu’on parvient, pour quelques semaines, à vivre au ralenti. Ou le soir, quelques minutes avant de dormir, au moment où nous sommes épuisés, vidés.

CONCENTRAT­ION

On peut le reprocher un peu à l’école, qui a basculé depuis un bon moment dans l’obsession technologi­que et qui, à trop vouloir être de son temps, a oublié de placer les livres, et plus encore, les grands livres, au coeur de l’enseigneme­nt.

Je souhaite depuis longtemps que de grandes plages de silence soient dégagées chaque jour dans nos écoles, où chaque élève, quel que soit son âge, serait invité à se plonger dans un livre.

En quelque sorte, nous avons perdu l’habitude de la lecture, physiqueme­nt et psychologi­quement.

Car il ne suffit pas d’ouvrir un livre pour vraiment le lire. Il faut s’y plonger, se donner le temps d’entrer dans l’univers de l’auteur, imaginer les personnage­s s’il s’agit d’un roman, comprendre la thèse s’il s’agit d’un essai.

Une fois assis pour lire, il faut savoir résister aux distractio­ns nombreuses, aux alertes sur notre téléphone, à la tentation d’aller sur internet.

Si on prend le temps, vient alors le plaisir, l’immense plaisir de tourner les pages sans s’en rendre compte, peut-être en les annotant, peut-être en les écornant. Les heures filent alors incroyable­ment.

S’active ainsi le travail de l’imaginatio­n, qui nous fait basculer dans un autre monde, ou du moins, qui nous permet de voir le nôtre autrement.

Certains livres peuvent changer notre vision du monde.

PASSION

Il arrive aussi qu’on découvre un auteur nous touchant si intimement qu’on veut alors traverser son oeuvre du premier au dernier ouvrage, au point même de s’en faire le promoteur ardent auprès de ses proches en en parlant tout le temps, en cherchant à les convertir à son génie.

Il arrive même qu’on rencontre quelqu’un aussi passionné que nous par cette oeuvre. Les plus riches conversati­ons peuvent naître alors de cette admiration partagée.

Pour tout dire, la lecture peut changer une vie.

Et dans une époque qui nous épuise en sollicitan­t exagérémen­t notre attention en plus de nous matraquer de publicités et d’idées médiatique­ment obligatoir­es, elle représente peut-être un ultime espace de liberté, où réapprendr­e à penser par soi-même.

Ce n’est pas un détail.

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