Ottawa serre la vis aux réseaux sociaux
Le gouvernement Trudeau propose de lourdes sanctions financières pour lutter contre la haine en ligne
OTTAWA | Le gouvernement fédéral envisage d’imposer des sanctions pouvant atteindre des milliards $ aux plateformes de réseaux sociaux qui diffusent des contenus haineux ou de la pornographie juvénile.
L’équipe Trudeau a dévoilé hier son plan pour sévir contre l’explosion de haine en ligne, en vue d’un projet de loi qui doit être déposé à l’automne.
La proposition vise cinq catégories de contenus préjudiciables : les discours haineux, les contenus relatifs à l’exploitation sexuelle des enfants, le partage non consensuel d’images intimes, les contenus d’incitation à la violence et les contenus terroristes.
Facebook, Twitter, TikTok, YouTube ou encore Instagram auraient ainsi l’obligation de surveiller l’apparition de ces contenus, de les supprimer dans un délai maximal de 24 h et d’expliquer pourquoi et comment ils modèrent les contenus.
Sans quoi, ces plateformes pourraient se voir imposer des amendes allant jusqu’à 5 % de leur revenu brut global. Pour Facebook, qui a engrangé 85 milliards $ en 2020, ceci représenterait 2,6 G$.
« Ça semble être un pas en avant. Le projet indique aux plateformes de s’organiser elles-mêmes pour avoir de meilleures pratiques de modération », indique Pierre Trudel, du Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal.
PAS LES MESSAGERIES
Par contre, le juriste déplore que les services de messageries privées, comme WhatsApp, Messenger ou Telegram, ne soient pas concernés.
« C’est la grande faiblesse de la proposition », croit-il, car les applications de messagerie privées sont largement utilisées comme outils de diffusion de masse.
Par exemple, des dizaines de jeunes membres d’un même groupe de discussion sur WhatsApp peuvent partager ensemble des images intimes d’une adolescente sans son consentement.
L’attaque du Capitole a aussi été diffusée en direct sur ce type de plateforme.
« Si on ne s’attaque pas à ça maintenant, on risque de passer complètement à côté du problème », estime le juriste.
MAUVAIS TIMING
Pierre Trudel critique également le lancement de cette proposition en plein été pour une consultation publique qui doit se terminer dans moins de deux mois, soit le 25 septembre. Contrer la haine en ligne était pourtant présenté comme une priorité du gouvernement Trudeau.
« Après six ans au pouvoir, les libéraux ont laissé les victimes de la haine en ligne sans réelles protections et ont présenté à la dernière minute un projet de loi et des consultations qui en font trop peu et sont pleins de failles. C’est cynique et irrespectueux pour les victimes », a quant à lui déclaré le chef néodémocrate Jagmeet Singh.