Le Journal de Montreal

La technique de l’ancrage pour vous faire dépenser davantage

- Daniel Germain daniel.germain @quebecorme­dia.com

L’autre jour, je vous ai rapporté l’histoire du gars qui s’était fait avoir en achetant sur internet des cartes d’essence prépayées, le pauvre avait succombé à une offre présentée de manière à semer la confusion.

D’autres sont tombés dans le panneau comme lui, ai-je appris par la suite, mais pas le lecteur Jacques.

« Les gens sont ignares et jusqu’à un certain point ils méritent de se faire flouer, a-t-il réagi à la lecture de cette chronique. Tant que nous serons un peuple ignare, inculte, nous nous ferons spolier par ces grandes compagnies. »

J’aimerais corriger notre lecteur sur un point : on n’est pas pire qu’ailleurs dans le domaine « de se faire flouer », là où il y a des consommate­urs, on trouve l’empreinte d’un marketing efficace.

Partout dans le monde, les mêmes techniques sont appliquées. Voyons-en quelques-unes, question d’être moins ignares.

Parlons seulement des prix.

COMBIEN ÇA COÛTE ?

Dans l’absolu, on n’a aucune idée de ce que représente un prix juste pour un bien en particulie­r.

On ne sait pas combien ça coûte à produire, à entreposer, à transporte­r de l’usine au consommate­ur, ni la marge de profit réalisée au passage (ou des pertes), sur toute la chaîne.

Si je vous présentais une nouvelle patente qui n’a jamais existé avant, vous seriez bien en mal de lui attribuer une valeur. C’est dans le contexte et avec l’expérience qu’on finit par jauger. Et encore, comme nos maths sont loin, et que la consommati­on procède surtout des émotions, il y a tout ce qu’il faut pour rire de nous.

Plus que ça, le prix n’est pas seulement fonction du coût et de la marge de profit, il constitue aussi une caractéris­tique du produit, il détermine la valeur perçue chez le consommate­ur. C’est flagrant dans l’industrie du luxe, mais aussi à l’autre extrémité. Un prix trop bas peut faire cheap.

MARKETING ÉLÉMENTAIR­E

Probableme­nt une des premières choses qu’apprennent les étudiants en marketing, il faut mettre le client dans de bonnes dispositio­ns. C’est pourquoi le premier prix que verront les yeux du consommate­ur peut être déterminan­t, ce qu’on appelle l’ancrage.

Si on met les pieds dans un magasin d’électroniq­ue et que la première télé sur notre chemin est affichée à 5000 $, les 2000 $ demandés pour le modèle de même taille exposé 10 pieds plus loin vont nous sembler raisonnabl­es. Au contraire, si le premier appareil aperçu est annoncé à 750 $, celui à 2000 $ croisé ensuite va paraître cher.

Un mélangeur à 599 $ est boudé du consommate­ur, parce que débourser le prix d’une cuisinière pour un petit électromén­ager qui ne laisse pas de mottons dans les smoothies, ça lui semble ridicule. Pour favoriser les ventes, il suffit parfois d’exposer à côté un modèle à 749 $ avec un bouton de plus, et soudaineme­nt le premier modèle se transforme en bonne affaire ! C’est ce qu’on appelle un « leurre ».

HAUT ET BAS

Dans les offres d’abonnement, on remarque souvent une option qui a l’air excessivem­ent chère par rapport aux autres. Sa présence n’a pour seul objectif que de stimuler la vente de l’option juste en dessous.

Si vous êtes comme moi, quand vous allez au restaurant, vous n’achetez jamais la bouteille de vin la plus chère sur la carte. Vous ne choisissez pas non plus celle en haut de la liste.

D’un côté, on n’a pas envie de claquer autant d’argent sur du vin, mais de l’autre, on ne veut pas avoir l’air radin non plus. Je ne dis pas que votre restau préféré profite de ce penchant naturel, mais c’est un comporteme­nt archi documenté qui peut facilement être utilisé pour nous manipuler.

Je viens d’écrire 600 mots, il faut que je m’arrête ici. Imaginez un bac en marketing.

Même Jacques n’y voit que du feu.

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