Le privé plus présent que jamais
Le gouvernement du Québec a versé près d’un milliard $ aux agences dans la dernière année
Le recours aux agences privées du secteur de la santé a explosé dans la dernière année, en raison de la pandémie. Près d’un milliard de dollars leur ont été octroyés, soit plus du double de l’année précédente.
En novembre, le ministre de la Santé, Christian Dubé, confiait au Journal vouloir « mettre fin au recours au privé », reconnaissant toutefois que ça ne se ferait pas « du jour au lendemain » à cause d’un manque de personnel.
On sait aujourd’hui que cette pénurie a coûté un montant record de 966,8 M$ à l’État québécois pour de la main-d’oeuvre d’agences de placement durant la première année de pandémie, soit d’avril 2020 à mars 2021. Évidemment, le tout a été amplifié par la crise sanitaire alors que 60 % de la hausse des heures totales travaillées entre 2019-2020 et 2020-2021 est attribuable aux centres de dépistage, de vaccination et aux cliniques désignées.
Lorsqu’on les compare à l’année précédente, les coûts d’utilisation de la maind’oeuvre indépendante ont plus que doublé.
■ 2019-2020 (prépandémie) : 443,4 M$
■ 2020-2021 (pandémie) : 966,7 M$
« C’est inacceptable », selon la chercheuse en organisation des soins de santé Roxane Borgès Da Silva, qui décrit le tout comme un « cercle vicieux ».
JUSQU’À 1000 % DE HAUSSE
Les soins aux usagers représentent la majeure partie de ces sommes. 457,4 M$ sont allés à des agences de placement fournissant des infirmières, des auxiliaires, des inhalothérapeutes et des préposées aux bénéficiaires.
Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, le recours au privé a été dix fois plus important, passant de 1,1 M$ à 12,7 M$. Mais parmi les CIUSSS et les CISSS de la province, c’est celui des Laurentides qui est le grand champion du recours aux agences de santé privées, avec une facture de 97 M$ (voir encadré).
« IL FAUT Y RÉFLÉCHIR »
Bien entendu, la pandémie a multiplié les enjeux, mais ceux-ci existaient déjà avant la crise, selon les experts consultés.
« Ce n’est pas pendant une crise comme la pandémie qu’on va régler ça, mais il faut y réfléchir et ça doit devenir un chantier prioritaire pour le gouvernement parce que ce n’est pas viable, ni financièrement ni en termes de qualité de soins », insiste Mme Borgès Da Silva, proposant qu’on trouve des moyens de garder les employés dans le réseau.
Dans la dernière année, de nombreux employés sont tombés au combat, mais d’autres ont aussi fait le choix de partir, à la recherche de meilleures conditions, sans heures supplémentaires notamment.
« Certains ont eu peur, d’autres ont été contaminés, mais il y en a que l’écoeurantite a poussés vers le privé. Ça augmente les besoins et au final, les agences finissent par avoir le gros bout du bâton », déplore la professeure de l’Université de Montréal.
ÇA SE POURSUIT
Et le passé pourrait malheureusement être garant de l’avenir dans ce dossier, car 165 M$ en contrats à des agences privées ont déjà été confirmés pour l’année à venir.
« Des travaux sont en cours afin de trouver des solutions pérennes à cette problématique », assure le ministère de la Santé dans une réponse par courriel. De son côté, le cabinet de Christian Dubé indique que la position du ministre sur la question était déjà connue et qu’il n’avait rien à ajouter.