Le Journal de Montreal

L’illusion des logements abordables

Lorsqu’elle a été élue mairesse de Montréal, à la fin 2017, Valérie Plante avait fait de bien belles promesses en matière d’accessibil­ité au logement.

- Jean-Louis Fortin Directeur du Bureau d’enquête

Elle s’engageait, notamment, à créer 12 000 logements sociaux et abordables. Quand on sait à quel point la crise de l’habitation frappe de plus en plus fort depuis quelques années, il était difficile de s’opposer à cette mesure.

Puis, en février dernier, elle annonçait avoir atteint plus des trois quarts de son ambitieuse cible.

Mais ces logements profitent-ils toujours aux moins bien nantis ? Notre Bureau d’enquête a découvert que non.

UNE VRAIE FARCE

Prenons le cas des logements « abordables ». Pour répondre à ce critère, un appartemen­t neuf d’une chambre doit être vendu moins de

250 000 $ par le promoteur. Ce n’est pas donné, mais c’est certaineme­nt à la portée d’un couple avec des revenus moyens qui souhaite accéder à la propriété.

Or, notre journalist­e, Dominique Cambron-Goulet, et notre recherchis­te, Charles Mathieu, ont démontré, dans un reportage publié hier, que le programme de logements abordables privés est une vraie farce. N’importe qui peut acheter ces appartemen­ts.

Des dizaines d’investisse­urs immobilier­s en ont profité, souvent pour louer ensuite leurs logements à prix d’or. Des médecins aussi. Un promoteur a même acheté trois condos abordables dans son propre projet pour ses enfants, par le truchement de sa fiducie.

PERSONNE NE VÉRIFIE

Ces riches acheteurs n’ont absolument rien fait d’illégal. Mais ils ont profité d’une faille béante dans le programme de la Ville de Montréal : personne ne vérifie qui achète les condos abordables.

Je reformule : aucun des 28 000 employés de la Ville ne fait de suivi pour s’assurer, par exemple, qu’un logement « abordable » de 500 pieds carrés n’est pas acheté par des investisse­urs chinois qui s’empressent ensuite de le proposer en location à 1300 $ par mois. C’est un exemple réel que nous avons découvert.

Lorsque nous l’avons mis au courant des résultats de notre enquête, le responsabl­e de l’habitation au Comité exécutif, Robert Beaudry, avait beau jeu de trouver la situation « épouvantab­le » et de promettre que des vérificati­ons seront faites à l’avenir, « pour s’assurer qu’il n’y ait pas de stratagème­s ».

Mais l’administra­tion Plante n’estelle pas au pouvoir depuis quatre ans ?

Remarquez, il n’y avait pas davantage de vérificati­ons sur l’identité des acheteurs quand c’était l’administra­tion de Denis Coderre qui dirigeait l’Hôtel de Ville.

TRAVAIL JOURNALIST­IQUE

Vous vous en doutez bien, découvrir ces cas troublants a nécessité un travail d’enquête journalist­ique rigoureux. Il a fallu de nombreuses heures de recherches dans des documents comme des actes de vente et des fiches du Registrair­e des entreprise­s.

Mais ces heures ont valu la peine. Elles ont permis de lever le voile sur une situation que certains auraient sûrement préféré garder cachée.

Voilà un cas à garder en tête quand les politicien­s fédéraux et municipaux qui feront campagne dans les prochaines semaines vous bombardero­nt de promesses.

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