Le Journal de Montreal

Québec, champ de bataille

Dans une lutte serrée où chaque gain peut faire la différence, les chefs fédéraux ont courtisé le Québec et des plateforme­s spécifique­s ont été présentées. Survol du positionne­ment des chefs à l’égard de la Belle Province.

- RÉMI NADEAU Chef du Bureau parlementa­ire à Québec Justin Trudeau Erin O’Toole Face-à-Face Jagmeet Singh Yves-François Blanchet

TRUDEAU, LE BANQUIER TROP ENTREPRENA­NT

Le chef libéral au sourire séducteur a entrepris la campagne avec la confiance de celui qui vient de faire pleuvoir l’argent pour le maintien du filet social. Avec lui, la dépense ne compte pas. Tous ceux qui ont été affectés par la COVID ont profité de sa générosité. En plus, les aînés ont reçu un cadeau de 500 $. Sa carte pour le Québec ? La signature d’une entente avec François Legault de 6 milliards $ sur cinq ans en compensati­on pour la création d’un programme national de garderies. Par contre, il veut profiter de sa position de banquier pour réaliser des gains. Avec la promesse de milliards supplément­aires, il s’engage à intervenir dans les champs de compétence des provinces, en santé, pour dicter des priorités et des conditions. François Legault exhorte pourtant Ottawa à augmenter ses transferts en santé sans condition. Le chef caquiste a répondu par la bouche de ses canons en qualifiant ses visées de dangereuse­s. Dans le cercle de Trudeau, on s’est dit « déçu » de cette sortie. Ils ont donc fait le pari que Québec se sentirait rassasié par la cagnotte et se laisserait tondre les compétence­s sans broncher. Résultat, les Québécois se rendront aux urnes en pensant peut-être à la mise en garde de François Legault.

O’TOOLE, LE COPAIN BLEU MAIS LOUCHE

Presque totalement inconnu ici avant le déclenchem­ent, le chef conservate­ur a beaucoup misé sur un « contrat » avec les Québécois. Conscient du pouvoir d’attraction de François Legault, il a en grande partie calqué son plan pour le Québec sur les demandes du caquiste. Il s’engage notamment à hausser les transferts en santé de 60 milliards $ sur 10 ans, sans condition, à donner des pouvoirs en matière d’immigratio­n et à financer 40 % du projet de 3e lien. Par contre, il a fixé une limite à sa sérénade. Il déchirerai­t l’entente de 6 milliards $ pour les garderies. Moins coincé que son prédécesse­ur Andrew Sheer, on ne peut pas dire non plus qu’il s’est révélé comme un canon de charme dans les débats en français. Il a eu le mérite de se positionne­r clairement comme pro-choix et pour le mariage gai. Par contre, ses tergiversa­tions sur les armes d’assaut font de lui un partenaire de danse encore un peu suspect aux yeux de certains Québécois. Il a bénéficié de l’appui de François Legault, mais est-ce suffisant pour faire basculer plusieurs circonscri­ptions ?

SINGH, LE JOKER NÉGLIGÉ

Le chef néo-démocrate a consacré peu d’énergie à faire campagne au Québec, même s’il a visité Sherbrooke vendredi. Le souvenir de la vague orange devient de plus en plus lointain. Le NPD ressemble à un groupe pop devenu trop populaire, trop soudaineme­nt, grâce à une chanson dont le succès éphémère l’a ensuite fait plonger dans l’oubli. Avant le à TVA, M. Singh a servi de la poutine punjabi dans un parc à Montréal, et son « foodtruck » a perdu une roue en chemin. Depuis l’élection de François Legault, il est le seul chef fédéral à ne pas avoir sollicité de rencontre avec lui. Il a présenté une plateforme pour le Québec, proposant un fédéralism­e « respectueu­x ». Mais le NPD promet d’intervenir à deux mains en santé, notamment pour sortir le privé de la gestion de centres d’hébergemen­t pour aînés.

BLANCHET, LE GARDIEN DE BUT FLEURDELIS­É

Gonflé à Bloc, il s’est risqué à se fixer un objectif de 40 députés. Après s’être mis cette pression, Yves-François Blanchet a pris un risque en se montrant favorable au 3e lien Québec-Lévis, dans l’espoir de se prémunir d’une montée des conservate­urs dans la Capitale-Nationale et de flatter le gouverneme­nt caquiste. Toutefois, ce penchant lui a valu bien des critiques. Le chef bloquiste n’a pas cherché à faire la promotion de la souveraine­té. Habile pour déboulonne­r les programmes des adversaire­s, et collé aux revendicat­ions de François Legault, c’est toutefois le débat en anglais qui lui a donné la chance de se poser en chien de garde des intérêts du Québec. Il a bien bloqué les rondelles alors que le Québec subissait les attaques frontales de la modératric­e. Il ne pouvait rêver d’une meilleure démonstrat­ion de son utilité.

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