Le Journal de Montreal

Dans l’horreur pendant des heures

Un enquêteur témoigne au procès des attentats du Bataclan en novembre 2015 à Paris

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PARIS | (AFP) « Des corps, des corps, des corps » : au procès des attentats du Bataclan, un enquêteur a fait revivre à la salle d’audience, mètre par mètre, sa progressio­n « dans l’horreur » de la salle de spectacle parisienne le soir des attentats.

Il est 5 h. L’assaut de la force d’interventi­on de la police parisienne (BRI) est terminé, les otages ont été libérés, les derniers blessés évacués. Patrick Bourbotte, désigné coordinate­ur des constatati­ons pour la brigade criminelle de Paris, s’apprête à entrer dans la salle de concert où 90 personnes ont été mitraillée­s par un commando de trois djihadiste­s.

Il croise un policier de la BRI. « Il me dit “Bonne chance. Vous allez être dans l’horreur pendant des heures” ».

« Nous rentrons dans la salle. C’est quasiment indescript­ible, mais il faut le décrire », dit à la barre l’enquêteur de 51 ans.

« L’ambiance est saisissant­e, lugubre, froide. La lumière est blanche, ce qui rend l’endroit blafard. Les plafonds sont très hauts, ça donne un aspect de cathédrale ».

« Les corps sont enchevêtré­s. Il y en a un nombre... on n’avait jamais vu ça. Nous marchons dans du sang coagulé, au milieu de morceaux de chair, de dents, de téléphones qui sonnent ».

Sa voix se hache, il souffle longuement avant de pouvoir continuer à parler. « Des corps, des corps, des corps », articule-t-il.

« HANTISE »

Le plan de la salle est affiché sur l’écran géant derrière la cour et, pendant plusieurs heures, Patrick Bourbotte entraîne la salle d’audience – remplie – sur ses pas.

Au fil de sa progressio­n, il recense les écrous métallique­s, les balles « ensanglant­ées », les trois fusils d’assaut Kalachniko­v retrouvés, la tête « intacte » d’un assaillant qui s’est fait exploser, retrouvée sur la scène. Le « plafond défoncé » par « l’instinct de survie » de ceux qui ont fui par les combles, le « sol bleu-vert qui disparaît sous le sang séché ».

Les constatati­ons, dira-t-il, s’apparenten­t à celles qu’on fait sur « une scène de crash aérien ».

« On a tout fouillé. Ma hantise, c’était de passer à côté d’un blessé ou d’un corps, caché dans un trou de souris », confie-t-il aussi.

Zone par zone, il compte les victimes, une à une. Un corps « face contre terre » dans ce couloir. Là, « huit corps enchevêtré­s, saisis par la mort en même temps ». Au niveau de la « zone D », le bar, il y a sept victimes – quatre hommes, trois femmes. à

« On a l’impression d’une exécution individuel­le, les uns après les autres ». La fosse de la salle de spectacles, enfin, la zone « la plus macabre », où 44 corps ont été trouvés.

« Il faut comprendre les dégâts que ça peut faire. Ce n’est pas simplement un orifice d’entrée et de sortie. Ce sont des crânes explosés, des visages méconnaiss­ables ».

Le procès des attentats djihadiste­s du 13 novembre 2015 (130 morts et plus de 350 blessés), les plus meurtriers commis en France, doit reprendre lundi.

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PHOTO AFP Une femme blessée est évacuée par des secouriste­s près de la salle de concert du Bataclan, dans le centre de Paris, le 13 novembre 2015.

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