Le Journal de Montreal

Les trois partis sont très dépensiers

Des économiste­s se sont penchés sur les cadres financiers des groupes politiques visant le pouvoir

- MARC-ANDRÉ GAGNON

En raison de la pandémie et de la relance nécessaire, les partis en lice pour former le prochain gouverneme­nt ont en commun d’être très dépensiers, ce qui entraînera d’importants déficits au cours des années à venir, quel que soit le parti élu.

Le professeur de l’Université de Sherbrooke, Luc Godbout, et ses collègues de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, dont il est titulaire, ont analysé les cadres financiers des partis.

Un cadre financier, c’est une planificat­ion de revenus et de dépenses qui permet de voir comment les partis prévoient financer leurs promesses, chiffres à l’appui.

« Ce qu’on constate, c’est que tous les partis disent qu’ils vont dépenser plus que le cadre de référence du directeur parlementa­ire du budget », souligne M. Godbout. En conséquenc­e, tous les partis se dirigent vers des déficits encore plus importants que ceux prévus au déclenchem­ent des élections.

Les conservate­urs d’Erin O’Toole sont ceux qui prévoient enregistre­r le plus gros déficit la première année, en raison de mesures rapides de relance.

Globalemen­t, « les conservate­urs sont plus au centre, ils ont beaucoup moins de promesses axées sur la dépense », observe de son côté le professeur émérite d’économie à l’Université d’Ottawa, Serge Coulombe.

CRÉDIT D’IMPÔT COÛTEUX

Cela se reflète d’ailleurs en matière de garderies : les conservate­urs préfèrent un crédit d’impôt modulé en fonction des revenus des parents en lieu et place du réseau national de services de garde promis par Justin Trudeau.

« La classe moyenne, avec le programme O’Toole, paierait trois fois plus cher [pour une place en garderie] », estime Pierre Fortin, professeur émérite de sciences économique­s à l’Université du Québec à Montréal.

Paradoxale­ment, ce sont les néodémocra­tes de Jagmeet Singh qui alourdirai­ent le moins la dette. La raison est simple : le NPD est le parti qui promet le plus de hausses d’impôt, essentiell­ement chez les plus riches.

LE NPD CRACHE LE CASH

« Sous cet angle-là, on a l’impression que le NPD dépense moins et qu’il fait moins de nouveaux déficits, mais il dépense plus. C’est le parti qui va chercher le plus de revenus pour financer ses nouvelles dépenses », explique M. Godbout.

Si l’on exclut le Bloc québécois, qui a élaboré un cadre financier sur seulement trois ans (monopolisé par une augmentati­on substantie­lle des transferts en santé), le NPD reste donc très dépensier. Mais le coût net de leurs dépenses (ce qui s’ajoute à la dette) est inférieur à celui des autres partis (voir tableau).

« Le PLC et le NPD proposent énormément de dépenses. Les deux partis sont beaucoup plus à gauche que ce qu’on a été habitué à voir au Canada, dans l’histoire politique canadienne, au niveau de la politique économique », remarque M. Coulombe.

Sur l’ensemble de la période, « c’est le Parti libéral qui a les engagement­s, les dépenses nettes les plus élevées », remarque M. Godbout.

De 2021 à 2026, le coût net des engagement­s (les nouvelles dépenses, moins les nouveaux impôts que le parti prévoit aller chercher) de Justin Trudeau dépasse les 70 milliards $.

Même si Erin O’Toole promet de demeurer sur la voie de l’équilibre budgétaire d’ici 10 ans, aucun parti ne trace clairement le chemin du retour à cet équilibre.

Mais avec des taux d’intérêt de 1 à 2 %, une hausse du revenu canadien de 4 %, « il faudrait se calmer sur les déficits », relativise M. Fortin. C’est que le poids de la dette, par rapport au produit intérieur brut (PIB), est appelé à diminuer progressiv­ement.

« On est encore parmi les pays qui sont les moins endettés par rapport au PIB. C’est très facile, pour des partis […] de dépenser énormément », rappelle M. Colombe.

Toutefois, une zone d’incertitud­e plane : celle de l’inflation. Le PCC promet en revanche une croissance annuelle du PIB de 3 %. « C’est facile à dire, mais très difficile à faire », croit M. Coulombe.

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