Le Journal de Montreal

Découvrir Montréal sans rien voir

Des balados à l’acoustique ultraréali­ste permettent d’entendre la métropole comme rarement on l’a entendue

-

À l’intérieur de Montréal, le journalist­e Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.

Le balado Montréal ville invisible utilise une technologi­e sonore de pointe pour vous faire entendre la réalité urbaine foisonnant­e et parfois étonnante de la métropole, telle que la perçoit un non-voyant.

« Je suis aveugle de naissance, et c’est la première fois que je peux partager vraiment ce que j’entends pour me repérer lorsque je circule dans la ville », s’enthousias­me Jérôme Plante, 32 ans, un des participan­ts à ce projet réalisé par l’organisme L’Autre Montréal, en collaborat­ion avec le Regroupeme­nt des aveugles et amblyopes du Montréal métropolit­ain.

Au début de l’épisode où M. Plante visite le Vieux-Montréal par le son, on entend, très clairement, un étrange mélange de chants de grillons et de tumulte automobile, de pépiements d’oiseaux et de tapage de constructi­on.

Où est-ce ? Sur le toit végétalisé du nouveau grand quai du Vieux-Port de Montréal. Pendant la belle saison, on a droit à cet étrange concert de campagne juste à côté de la grosse ville bruyante.

Mine de rien, je viens d’entendre ma première « audiograph­ie » de Montréal, pour ainsi dire une sorte de photo sonore…

« PHOTOS SONORES »

Les artistes sonores Chantal Dumas et Florian Grond ont équipé M. Plante et les quatre autres participan­ts de micros dits « binauraux ».

Placés au niveau des oreilles, ces capteurs, avec une acuité presque parfaite, saisissent tout ce que leur porteur entend… tout comme il l’entend, avec les déplacemen­ts d’objets, les effets de réverbérat­ion, etc.

« C’est très réaliste comme son et ça permet aux non-voyants de transmettr­e fidèlement leur expérience », soutient M. Grond.

En plus de celui où M. Plante dénote les curiosités sonores du Vieux-Montréal, quatre autres balados permettent d’explorer, notamment, les sons du tennis avec une ancienne joueuse émérite devenue malvoyante, le centre-ville aux abords du métro Guy-Concordia, le parc Jarry et le parc des Rapides dans l’arrondisse­ment LaSalle.

FERMEZ LES YEUX

Passionnan­t de redécouvri­r ces lieux « audiograph­iquement » sans du tout les voir… juste en les entendant, avec une netteté quasi surréalist­e.

En me fiant aux cartes publiées sur le site de L’Autre Montréal, je m’amuse à refaire à pied l’itinéraire de M. Plante dans la vieille partie de la ville.

Pendant ma marche, je dois parfois enlever mes écouteurs parce que le réalisme sonore me déroute. Je ne sais plus ce qui est vraiment autour de moi.

À un certain moment, je crois qu’un grondement de poids lourds provient des écouteurs… mais c’est un vrai mastodonte qui approche de moi par-derrière…

Bref, je vous recommande d’écouter d’abord les balados, puis de venir sur place, si le coeur vous en dit, pour essayer de retrouver les lieux et, surtout, les sons.

Pour profiter de la qualité exceptionn­elle du son, il faut bien sûr de bons écouteurs. « Idéalement, il faut utiliser des écouteurs qui recouvrent l’oreille », suggère M. Grond.

Si vous n’avez que de petits écouteurs à insérer dans l’oreille, assurez-vous d’écouter les balados de Montréal ville invisible dans une pièce silencieus­e et pas trop éclairée. Et enfin, ne laissez pas vos yeux vous distraire : fermez-les !

 ?? PHOTO COURTOISIE L’AUTRE MONTRÉAL ?? Le participan­t Jérôme Plante et l’artiste sonore Florian Grond posent devant le Silo no 5 lors de leur balade avec enregistre­use binaurale dans le Vieux-Montréal, cet été.
PHOTO COURTOISIE L’AUTRE MONTRÉAL Le participan­t Jérôme Plante et l’artiste sonore Florian Grond posent devant le Silo no 5 lors de leur balade avec enregistre­use binaurale dans le Vieux-Montréal, cet été.
 ?? PHOTO COURTOISIE L’AUTRE MONTRÉAL ?? L’équipement utilisé par les balados
Montréal ville invisible permet de reproduire fidèlement ce que l’oreille perçoit exactement. Cela donne une sorte de « photo sonore » des lieux.
PHOTO COURTOISIE L’AUTRE MONTRÉAL L’équipement utilisé par les balados Montréal ville invisible permet de reproduire fidèlement ce que l’oreille perçoit exactement. Cela donne une sorte de « photo sonore » des lieux.
 ?? PHOTO LOUIS-PHILIPPE MESSIER ?? Par réflexe profession­nel, je me suis initialeme­nt rendu sur les lieux de l’enregistre­ment dans le Vieux Port pour reproduire les itinéraire­s, mais… inutile ! J’aurais dû rester chez moi : c’est dans ma cour que j’ai le mieux pu écouter Montréal ville invisible.
PHOTO LOUIS-PHILIPPE MESSIER Par réflexe profession­nel, je me suis initialeme­nt rendu sur les lieux de l’enregistre­ment dans le Vieux Port pour reproduire les itinéraire­s, mais… inutile ! J’aurais dû rester chez moi : c’est dans ma cour que j’ai le mieux pu écouter Montréal ville invisible.

Newspapers in French

Newspapers from Canada