Le Journal de Montreal

La Chine soupçonnée d’ingérence

Le Parti conservate­ur battu à plate couture aux élections dans les comtés à forte population sino-canadienne

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

OTTAWA | Le vote conservate­ur a chuté dans les comtés où résident le plus de Canadiens d’origine chinoise au pays, au point de laisser craindre une opération d’ingérence de la part de la Chine.

Dès sa nomination à la tête des bleus, Erin O’Toole a prôné la ligne dure contre Pékin appelant à bannir Huawei pour l’empêcher de participer à l’élaboratio­n d’un système 5G au pays. Plus tard, son programme électoral dévoilé en août devait contenir pas moins de 31 références à la Chine.

La réaction de l’ambassadeu­r chinois au Canada Cong Peiwu ne s’est pas fait attendre : en pleine campagne, il déclare à l’hebdomadai­re parlementa­ire The Hill Times que « certains politicien­s salissent la Chine ». Peu après, la plateforme conservatr­ice est qualifiée d’« hostile » dans le quotidien officiel chinois Global Times.

SUR WECHAT ET À LA RADIO

Dans les jours suivants, les hostilités sont lancées sur le réseau de messagerie chinois WeChat et à l’antenne de radios ethniques dans des comtés spécifique­s : on appelle notamment à battre le député conservate­ur Kenny Chiu, dans Steveston-Richmond East, à Vancouver.

M.Chiu a été défait et il n’est pas le seul : son parti a été battu à plate couture dans les cinq circonscri­ptions où vivent 45 % ou plus de Canadiens d’origine chinoise. Il y a perdu entre 12 et 7 points de pourcentag­e par rapport au scrutin de 2019, alors qu’il n’a reculé que de 0,5 % au plan national.

Dans Richmond Centre, où 58 % de l’électorat est sino-canadien, la conservatr­ice Alice Wong a perdu par moins de 800 votes alors qu’elle avait gagné par plus de 8000 voies en 2019.

« Quelque chose de vraiment profond est arrivé. Quand on regarde les chiffres, c’est très frappant », indique le journalist­e Ian Young, qui a compilé les données pour le quotidien de Hong Kong South China Morning Post.

CAMPAGNE DE PEUR

Selon Charles Burton, ex-conseiller à l’ambassade du Canada en Chine et au ministère de la Défense, maintenant à l’Institut MacDonald-Laurier, M. Chiu, comme d’autres candidats, a été victime d’une campagne de désinforma­tion visant à influencer le vote.

La campagne ciblait le programme conservate­ur jugé anti-chinois et un projet de loi privé déposé au printemps par M.Chiu, dont l’objectif était d’obliger les personnes qui approchent des titulaires d’une charge publique pour le compte d’intérêts étrangers à en faire la déclaratio­n, comme le font les lobbyistes.

Or, l’informatio­n véhiculée sur WeChat indiquait que le PCC souhaitait obliger toutes les personnes d’origines chinoises à déclarer leurs activités sociales à l’État canadien, ce qui était faux et « profondéme­nt intimidant pour les gens », s’inquiète M.Burton.

M.Young souligne que la communauté chinoise au pays est la cible d’opération d’influence et d’intimidati­on de la part de Pékin depuis des années, mais que cette fois l’impact « est vraiment clair et décisif ».

En février, le chef des services de renseignem­ent, David Vigneault, a prévenu que de l’ingérence de la Chine menaçait notre démocratie. Il a spécifié que « la menace n’émane pas de la population chinoise » qui est plutôt victime d’agents externes qui « intimident des personnes au Canada pour susciter la peur ».

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PHOTO TWITTER, ERIN O’TOOLE Le chef conservate­ur Erin O’Toole en campagne, à Markham, en banlieue nord de Toronto, une région à forte population sino-canadienne.

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