Haïti, toujours rien au bout du tunnel
Si, comme les tremblements de terre, l’actualité était évaluée sur une échelle sismique – sorte d’échelle Richter des moments forts – Haïti s’y retrouverait un peu partout.
Tout au long de l’année, par exemple, la violence des gangs s’est étendue aux villes et villages du pays.
Juillet a été marqué par le déferlement de la tempête tropicale Elsa ,puis par l’assassinat du président Jovenel Moïse par une bande de mercenaires. En août, un violent séisme faisait plus de 2 000 morts et près de 13 000 blessés.
Et nous n’en avions, pendant deux semaines en septembre, que pour les dizaines de milliers de migrants – Haïtiens dans leur immense majorité – entassés au petit port d’entrée de Del Rio, au Texas, singulièrement persuadés que les États-Unis allaient leur offrir l’hospitalité.
Bref, Haïti est toujours là en arrière-plan et ce n’est pas parce qu’on n’en parle plus que les choses se sont améliorées.
D’UNE CRISE MIGRATOIRE À L’AUTRE
À l’image d’autres ratés de l’administration Biden ces derniers mois, la gestion du flot de migrants haïtiens à la frontière mexicaine a été un fouillis. Selon le secrétaire américain à la Sécurité intérieure, 2 000 d’entre eux ont finalement été déportés vers Haïti ; 8 000 sont volontairement rentrés chez eux et entre 12 000 et 17 000 ont temporairement été acceptés aux États-Unis, le temps que leur demande d’asile ou d’immigration soit étudiée.
Beaucoup de monde éparpillé, et pourtant, on n’en est pas encore à bout. Au moins 20 000 autres migrants s’apprêtent à passer ou ont déjà franchi la dangereuse frontière entre la Colombie et le Panama, en route vers les ÉtatsUnis. La géographie les force à traverser le Mexique qui en a plein les bras.
« ENVOIE-LES MOI, LES DÉSHÉRITÉS… »
Les demandes d’asile au Mexique ont bondi de 70 % par rapport à 2019, une option peu encourageante pour les Haïtiens jusqu’à maintenant. L’an dernier, par exemple, selon l’agence Reuters, moins de 30 % des demandes déposées par les Haïtiens ont été approuvées contre 98 % pour les Vénézuéliens, 85 % pour les Honduriens et 44 % des Cubains.
Elle sonne faux ces jours-ci la plaque de bronze au pied de la statue de la Liberté. Washington doit revoir de fond en comble son système d’immigration, pour les Haïtiens comme pour tous les autres qui, par centaines de milliers à tous les ans, essaient d’entrer illégalement aux États-Unis.
Les démocrates, pour y arriver, ont besoin de la collaboration des républicains, mais la pesante influence de Donald Trump annonce déjà un échec fracassant. L’ex-président, jeudi dernier encore sur les ondes de FOX News, montrait toujours aussi peu de bienveillance : « Des centaines de milliers de personnes affluent d’Haïti. Haïti a un énorme problème de SIDA. Beaucoup de ces Haïtiens qui s’en viennent chez nous auront probablement le SIDA et nous ne faisons rien contre cela. C’est comme si nous souhaitions la mort de notre pays. »
Rien ne tient dans tout cela, mais la peur et la xénophobie feront malheureusement leur chemin plus vite que ces migrants, partis de si loin en quête d’une vie meilleure.