Le Journal de Montreal

S’accomplir au lieu de ralentir

- Jonathan Brisebois-Lépine Bachelier en Travail social et détenteur d’un B.A.A. Prévost

Un constat qui me frappe au fur et à mesure que j’avance en âge et que j’observe le monde évoluer, c’est que cette maladie occidental­e de l’accompliss­ement à tout prix, ce sacro-saint mythe du « self-made man » atteignant les plus hauts sommets nous berce d’illusions et nous fait dévier de notre nature profonde, de ce qui compte réellement.

Dès que nous avons un dollar de lousse, une minute de libre ou un quelconque espace dans notre vie, nous avons le réflexe de dépenser ces ressources rares pour chercher à compétitio­nner en nous surmenant, tout cela pour s’accomplir à tout prix.

Par un morceau de linge payé trop cher, par la recherche du corps parfait pour faire baver d’envie les autres sur les réseaux sociaux ou bien par la course folle pour grimper les échelons et atteindre un certain statut, un certain titre profession­nel, nous voulons démontrer que nous sommes quelqu’un, que nous valons plus, que nous avons réussi, parce que nous y sommes conditionn­és depuis notre plus tendre enfance.

LE SENTIMENT DE NE JAMAIS EN FAIRE ASSEZ

La moindre parcelle d’énergie résiduelle doit être utilisée, maximisée et nous en faire faire toujours plus. C’est cela le mal de la société moderne, le sentiment de ne jamais en faire assez, de ne jamais être assez, mais le plus triste, de ne jamais atteindre cet idéal occidental de réussite typique qui nous est tendu comme une carotte par tous les moyens.

Au lieu de profiter du lousse en temps ou en argent que nous réussisson­s à nous dégager dans nos horaires bien chargés, dans nos vies avançant à vitesse grand V, nous gaspillons cet espace précieux pour continuer la « rat race » de plus belle.

Plutôt que de ralentir, de prendre le temps de prendre le temps, de profiter dans la gratitude de ce que nous avons, de ceux qui nous entourent et de ce qui nous habite, nous cherchons à combler le vide qui nous habite à coup de biens matériels, de projection­s d’images de bonheur et de tout cet intangible qui caractéris­e bien le monde de consommati­on dans lequel nous vivons.

Nous cherchons la béatitude, le bienêtre et une certaine paix à l’extérieur de nous en poursuivan­t ce rêve flou et débilitant qu’est le rêve américain. Alors que le bonheur, je le pense, se trouve à un certain équilibre très précaire entre stabilité émotionnel­le, confort matériel et interconne­ctions humaines positives, nous avons la malencontr­euse habitude de chercher à nous accomplir dans la possessivi­té, au détriment de notre monde intérieur.

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