Le Journal de Montreal

Comment recoudre le tissu de notre famille ?

- LOUISE DESCHÂTELE­T louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.co

Je vous écris au nom de mon mari et en mon nom personnel pour que vous nous aidiez à recoudre des fils qui se sont défaits au fil du temps et des secousses qui ont ébranlé notre petite famille. Nous avons trois enfants. Les deux plus vieux, un garçon et une fille, ne nous ont jamais causé aucun souci. Par contre, la troisième nous a fait vivre l’enfer entre l’âge de 15 et 22 ans. Mon mari et moi avons quasiment dû nous transforme­r en travailleu­rs sociaux pour ne pas la perdre de vue. Avec tout le temps qu’on lui a consacré, c’est certain qu’on a privé les deux autres de notre présence, mais on jugeait que ça n’avait eu aucune conséquenc­e sur leur épanouisse­ment. Quelle erreur !

Quand est arrivée l’heure de la retraite il y a cinq ans, mon mari et moi avons décidé que nous méritions de nous gâter un peu. On a donc décidé d’acheter une maison mobile en Floride, où nous allons passer une bonne partie de l’hiver. Et chaque hiver, depuis, on le passe dans le Sud. Jamais ça n’avait semblé créer de problème à nos enfants puisqu’à notre retour on les recevait à tour de rôle avec leurs enfants dans notre maison au bord d’un lac.

C’est certain que la plus jeune, qui a toujours demandé plus d’attention de notre part vu ses problèmes de consommati­on jadis et sa dépendance affective à notre endroit ensuite, est venue y séjourner plus souvent. Mais on ne pensait jamais que ça pouvait affecter les deux autres qui avaient toujours été plus indépendan­ts et plus solides émotivemen­t.

Mais cet été, lors d’une de ses visites et dans un élan de ferveur, ma bru m’a signalé que notre fils et sa soeur se plaignaien­t souvent d’une certaine indifféren­ce de notre part à leur endroit et à l’endroit de leurs enfants respectifs. Ajoutant du même souffle que vu qu’on n’est jamais ici l’hiver, on devrait mieux équilibrer nos invitation­s entre nos enfants le reste du temps. Ça m’a jetée par terre ! Comme elle nous a demandé qu’on garde sa confidence secrète afin de ne froisser personne, on s’est tus.

Mais depuis cette révélation, je tourne ça dans ma tête sans savoir quoi faire pour en avoir le coeur net. J’avais toujours cru que nos enfants se sentaient aimés également et je ne pensais jamais qu’ils comptabili­saient ainsi le temps qu’on consacrait à chacun d’eux. C’est vrai qu’on aide plus notre plus jeune, mais elle en a toujours eu plus besoin. Comment leur faire comprendre ça sans rien dévoiler de la confidence de notre bru ?

Mon mari prêche pour faire comme si de rien n’était, mais moi je suis trop bouleversé­e pour ne rien faire. Comment les convaincre de notre bonne foi ?

Des parents qui avaient toujours pensé bien faire

Comme on fait dans le cas d’une rumeur, il vaut mieux aller à la source de l’informatio­n avant de paniquer. Il faudrait aussi vous demander pourquoi vous accordez autant d’importance aux dires de la tierce personne qu’est votre bru. Mérite-telle toute cette attention ? Peut-être trouverez-vous là une partie de votre réponse.

Et ensuite, lors d’une prochaine visite, prenez la peine en compagnie de votre mari de rencontrer individuel­lement chacun de ces deux enfants pour leur ouvrir votre coeur en toute simplicité. Et surtout pour sonder, comme on dit, leurs reins et leur coeur à eux. Vous avez le prétexte tout indiqué de vos longues absences hivernales pour justifier de vouloir savoir comment ils vont et comment ils se sentent. Vous pourriez aller aussi loin qu’évoquer le temps de plus consacré à votre plus jeune qui aurait pu les léser.

Si aucun ne s’ouvre à vous à propos de ce que votre bru vous a confié, c’est que dans le fond, et même s’ils peuvent les avoir déjà dites, leurs paroles n’avaient pas l’importance que cette dernière leur a accordée.

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