Le Journal de Montreal

Abandonné et à vendre pour plus de 675 000 $

Ce triplex prouve que la surchauffe immobilièr­e est encore bien présente à Montréal

- ANNE-SOPHIE POIRÉ

À qui la chance ? Des fenêtres et des portes barricadée­s, des murs couverts de graffitis et des planchers arrachés : un triplex laissé à l’abandon depuis des années à Montréal est maintenant à vendre pour la modique somme de 676 500 $.

« On ne sait pas ce qui est arrivé avec cet immeuble pour qu’il soit dans cet état, mais les portes et les fenêtres ont toutes été barricadée­s pour éviter que les junkies y entrent », admet la courtière RE/MAX, Thi Thanh Quach, qui vient tout juste de recevoir le contrat de courtage de cet immeuble à trois logements.

« On n’a pas encore pu visiter l’immeuble, mais oui, il a besoin de beaucoup de travaux », dit Mme Quach, qui ajoute qu’il est « assez exceptionn­el » qu’un immeuble aussi décrépit soit mis en vente.

Cette propriété de la rue de Rouen, dans le secteur Ville-Marie, est vendue par le curateur public du Québec. Et « lorsque le curateur remet un bien immobilier, on n’a pas de détails sur son histoire, précise

Mme Quach. Il nous dit : voilà l’immeuble, le prix et les conditions. »

TROP CHER ?

Impossible de savoir donc pourquoi cette propriété s’est retrouvée dans un tel état de délabremen­t. Mais il semblerait que le prix demandé pour l’immeuble qui figure à l’Inventaire des bâtiments vacants de la Ville de Montréal depuis au moins 2016 soit juste.

En 2018, le bâtiment et le terrain étaient respective­ment évalués à 442 000 $ et 242 000 $ par la Ville de Montréal (664 200 $), et ce, même si « ça fait des années que la maison est dans cet état », assure la propriétai­re du Dépanneur Fu Quan, en face, qui a préféré garder l’anonymat.

« Personne n’habite là depuis longtemps. Quand j’ai acheté le dépanneur il y a 12 ans, tous les locataires sont partis après deux ou trois ans et la maison a été fermée », relate-t-elle.

Pour l’économiste à la Société canadienne d’hypothèque­s et de logement (SCHL), Francis Cortellino, c’est surtout le terrain qui vaudrait maintenant son pesant d’or.

« La valeur des terrains a fortement augmenté au cours des dernières années, fait-il valoir. On parle d’une hausse de 200 à 300 % d’un terrain pour une unifamilia­le dans l’arrondisse­ment Ville-Marie [entre 2000 et 2019 environ]. Alors, imaginez pour un immeuble locatif. »

ENCORE LA SURCHAUFFE

« Pour moi, cette maison serait juste un paquet de problèmes. Mais combien d’entreprene­urs sont prêts à payer s’ils peuvent la revendre 1 million dans trois semaines ? », suggère Jean-Philippe Meloche, professeur spécialisé en économie urbaine, développem­ent économique local et régional à l’Université de Montréal.

Ainsi, les signes d’une surchauffe immobilièr­e se font encore bien sentir à Montréal.

Le degré de vulnérabil­ité du marché de l’habitation est par ailleurs passé de « modéré » en mars à « élevé » en septembre, selon la plus récente Évaluation du marché de l’habitation de la SCHL.

En somme, le marché est en déséquilib­re : les prix s’accélèrent, les maisons sont surévaluée­s par rapport aux revenus de la population et la demande est beaucoup plus forte que l’offre.

Lorsqu’une maison est vendue par le curateur public, « ça peut être en raison d’une succession abandonnée, d’un propriétai­re inapte ou si l’endroit appartient à un mineur », détaille l’avocate Isabelle Grégoire.

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PHOTOS COURTOISIE 1. Ce triplex laissé à l’abandon sur la rue de Rouen, dans le secteur Ville-Marie, est vendu par le curateur public du Québec à 676 500 $.
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2. Selon le voisinage, l’immeuble de trois logements serait dans cet état depuis des années.
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3. Des planchers de la propriété ont notamment été arrachés.

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