Le Journal de Montreal

Le prochain Nobel à Michel Tremblay ?

Michel Tremblay deviendra-t-il le premier Québécois et le deuxième Canadien avec Alice Munro à remporter le prix Nobel de littératur­e ?

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

La semaine dernière, l’Académie suédoise a honoré Abdulrazak Gurnah, un écrivain né à Zanzibar, en Afrique de l’Est, qui vit à Londres depuis qu’il a 18 ans. Avant ce prix Nobel, rarissimes étaient les personnes qui avaient entendu parler de ce professeur d’université, qui abandonna l’arabe il y a des lustres pour adopter l’anglais, langue dans laquelle il écrit depuis toujours.

La littératur­e québécoise mérite un prix Nobel

L’Académie suédoise se targue de ne pas faire de politique. Quoi que prétendent ses membres, elle en a fait souvent et elle prête toujours attention aux mouvements politiques ou sociaux à la mode. Le fait que Gurnah soit un ancien « migrant », qu’il soit Noir et d’origine africaine, que son oeuvre traite du destin des réfugiés et des conséquenc­es de la colonisati­on n’a sûrement pas échappé au jury. Ces courants de pensée sont trop présents pour que l’Académie les ignore.

Selon les bruits qu’on entend toujours à quelques semaines de l’annonce de l’Académie, deux Canadienne­s figuraient sur la courte liste des gagnants possibles. Anne Carson, poétesse torontoise qui a enseigné l’histoire à McGill, et Margaret Atwood, romancière que La servante écarlate a subitement fait connaître internatio­nalement.

QUI D’AUTRE SUR LA LISTE SECRÈTE ?

Il y a un monde entre ces deux femmes. L’une est une écrivaine élitiste et réservée, spécialist­e du grec ancien. L’autre est une romancière populaire, exaltante et exaltée, défenderes­se de mille causes à la mode, y compris un appui au

Bloc québécois à l’élection de 2008. Plus achevée, plus subtile et plus évocatrice que Le jeu du calmar, la dystopie The Handmaid’s Tale n’est sûrement pas étrangère au fait que son auteur se retrouve sur la courte liste du Nobel.

Jusqu’à ce jour, Michel Tremblay est-il apparu sur cette liste ultra secrète ? J’espère que oui, car aucun autre auteur canadien ne correspond mieux que lui à l’image qu’on se fait d’un prix Nobel de littératur­e. Si Alice Munro a remporté le Nobel en 2013, c’est qu’elle avait donné des lettres de noblesse aux nouvelles (short stories). C’est un genre que plus d’un jury de l’Académie devait considérer inférieur, puisqu’aucun n’avait retenu des nouvellist­es aussi rares et remarquabl­es que Tchekhov, Borges ou Raymond Carver.

NOBEL DE LITTÉRATUR­E AU QUÉBEC

Avec Les belles-soeurs, dont la première eut lieu au théâtre du Rideau Vert en 1968, Michel Tremblay a donné droit de cité sur scène à la langue que parlaient et parlent toujours la plupart des Québécois. Jusque là, nos deux dramaturge­s les plus populaires, Gratien Gélinas et Marcel Dubé, ne s’y étaient frottés que timidement. La pièce de Tremblay a ouvert sur notre langue populaire des vannes qui ne se sont jamais refermées.

La réflexion que proposent les premières pièces de Tremblay comme ses premiers romans ne fut pas sans influencer le mouvement indépendan­tiste. Ses premières oeuvres comme toutes celles qui ont suivi contribuen­t encore à forger une identité québécoise authentiqu­e. Elles jettent un éclairage nouveau sur la famille québécoise, sur le rôle du père et de la mère et, surtout, elles présentent une image différente et sans préjugé de l’homosexual­ité. Même si plusieurs des romans de Tremblay ne dépassent pas les frontières du Plateau-Mont-Royal, ils ont une résonnance universell­e.

La littératur­e québécoise mérite un prix Nobel et il ne saurait être attribué à un autre auteur que Michel Tremblay.

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