Le Journal de Montreal

La tempête (malheureus­ement) parfaite

- JOSÉE LEGAULT Blogueuse au Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

C’est à y perdre son latin. Malgré la vaccinatio­n obligatoir­e imposée enfin par le gouverneme­nt Legault dans le réseau de la santé — public et privé —, des milliers de soignants sont encore non vaccinés. Il s’agit donc bel et bien de véritables récalcitra­nts.

Pour ceux-là, même la date butoir du 15 octobre et la promesse d’être suspendus sans solde ou, selon leur ordre profession­nel, de voir leur permis suspendu ou retiré, n’y font rien.

Heureuseme­nt, ils ne représente­nt qu’une minorité dans le réseau. Le plus troublant est cependant de les voir préférer leur « liberté personnell­e » ou leurs croyances religieuse­s à leur devoir éthique et moral de protéger leurs patients.

La réalité est que leur entêtement s’inscrit dans l’air du temps. Dès le début de cette pandémie mondiale, la tempête était malheureus­ement parfaite.

Contrairem­ent à la pandémie de grippe espagnole de 1918-1919, tout s’alignait en effet pour un combat nettement plus ardu qu’il n’aurait dû l’être dans nos pays dits avancés.

MINÉES DE L’INTÉRIEUR

Nos sociétés ont beau être beaucoup plus riches et éduquées qu’en 1918, face à un virus aussi contagieux que la COVID-19, elles n’en étaient pas moins minées de l’intérieur.

Nos cultures hyper individual­istes ont ouvert la porte au rejet par une minorité agissante de la science et des vaccins qui en sont nés.

Les médias sociaux ont permis de disséminer les pires délires antivax et anti-mesures sanitaires, issus de moult théories de complots servies à la sauce trumpienne.

Autre handicap : nous voyageons beaucoup plus qu’au début du XXe siècle. Par peur d’on ne sait trop quoi, nos gouverneme­nts ont aussi tardé à fermer les frontières. Or, en tant que virus respiratoi­re, la COVID-19 adore voyager.

En Occident, dont le Québec, les dernières décennies ont aussi donné lieu à plusieurs gouverneme­nts de droite. Obsédés par le déficit zéro, ils ont sabré entre autres les systèmes de santé et les services de santé publique.

PERTE D’EXPERTISE

Au printemps 2020, que les responsabl­es de santé publique, dont le nôtre, n’aient rien su de l’urgence de faire porter le masque contre un virus respiratoi­re ultra-contagieux, confirmait la perte majeure d’expertise en ce domaine.

En prévention des infections, depuis la grippe espagnole de 1918, l’efficacité du masque était pourtant archiconnu­e.

Malgré tout, depuis le début de 2021, avec le temps, les taux de vaccinatio­n et du port du masque — imposé il faut le dire tardivemen­t — ont grimpé.

Dans un contexte où tout militait pour une résistance beaucoup plus grande au sein de nos population­s dites modernes, une forte majorité des gens ont fini par s’y conformer. Et surtout, de le faire en comprenant pourquoi.

Reste une minorité de récalcitra­nts.

Y compris, à la surprise générale, parmi les soignants.

Pourtant, jamais on ne dira assez à quel point la vaccinatio­n combinée aux mesures sanitaires, dont le masque, est vitale. La tragédie est qu’en même temps, les scénarios complotist­es propagés sur les médias sociaux auront coûté — et coûtent encore — de nombreuses vies.

Jusque dans le réseau de la santé, les récalcitra­nts en sont le reflet. Ce qui, dans les cégeps et université­s où ils ont été formés, devrait sonner l’alarme.

C’est pourquoi, en imposant la vaccinatio­n à tous les soignants, le gouverneme­nt Legault a eu raison. Idem pour son ministre de la Santé, Christian Dubé, lorsqu’il tient mordicus à la date butoir du 15 octobre.

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La tragédie est que les scénarios complotist­es auront coûté — et coûtent encore — de nombreuses vies. Dans le réseau de la santé, les récalcitra­nts en sont un autre reflet.
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