Une pièce qui laisse des traces
Les empreintes du passé nous entourent, mais celles liées aux autochtones sont presque inexistantes.
Avec humour, imagination et intelligence, Jocelyn Sioui explique pourquoi et comment les Premières Nations ont été occultées en racontant le destin de son grandoncle dans la pièce documentaire Mononk Jules au Théâtre aux Écuries à Montréal.
Le comédien lève en solo le voile sur Jules Sioui, fascinant défenseur des droits des Premières Nations qui est tombé dans l’oubli après avoir fait les manchettes, même dans sa communauté de Wendake, près de Québec.
La vie de ce héros tragique constitue une trame riche pour non seulement détailler une histoire familiale complexe, mais aussi le destin des Wendats ainsi que de l’ensemble des Premières Nations du Canada.
GRÈVE DE LA FAIM
Tirée d’un livre éponyme publié l’an dernier, cette pièce de Jocelyn Sioui dresse des parallèles drôlement pertinents pour comprendre l’histoire contemporaine des Premiers Peuples.
Elle relate ainsi la spoliation des Wendats de leurs terres correspondant aujourd’hui en gros au secteur de Val-Bélair à Québec, où vivait, au début du 20e siècle, la famille de Jules Sioui. Après s’être éloigné de ses racines, ce dernier épousera corps et âme la défense des siens, dont les droits sont complètement bafoués.
Ce militant sera dans les années 1940 à l’origine de la fondation de l’Assemblée des Premières Nations. Il luttera également pour le droit à l’autodétermination et même pour l’indépendance des autochtones, et ce, bien avant la montée du mouvement souverainiste québécois. Son combat le conduira en prison, ce qui le poussera à mener une grève de la faim de 72 jours en 1950.
LA MÉMOIRE
Au-delà de l’intérêt historique des faits présentés, cette production s’interroge brillamment sur la mémoire et notre connaissance du passé.
« C’est les autres qui décident de la trace que tu vas laisser », affirme Jocelyn Sioui sur scène.
N’ayant pas grandi dans un environnement autochtone, ce marionnettiste se dit lui-même le résultat d’une politique d’assimilation et d’extermination.
« Mon nom, c’est tout ce qui reste de ma culture, constate l’auteur sans apitoiement. Je suis la preuve d’un génocide. »
Face à la dure réalité passée et présente des Premières Nations, Jocelyn Sioui a la finesse de ne pas tomber dans un discours trop moralisateur, grave ou sombre. Il use souvent d’autodérision. Sa créativité s’exprime à travers des marionnettes et de la vidéo qui facilitent la compréhension du message tout en dynamisant son propos qu’il livre avec un mélange de simplicité et de sincérité.
Face aux débats comme le racisme systémique et la reconnaissance d’un territoire autochtone avant les parties du Canadien, cette pièce bien construite constitue un outil pédagogique précieux pour remettre en perspective ces enjeux.