Le Journal de Montreal

Une pièce qui laisse des traces

Les empreintes du passé nous entourent, mais celles liées aux autochtone­s sont presque inexistant­es.

- EMMANUEL MARTINEZ Collaborat­ion spéciale Mononk Jules est présentée jusqu’au 6 novembre au Théâtre aux Écuries de Montréal, ainsi qu’au Théâtre Périscope de Québec du 8 au 18 décembre.

Avec humour, imaginatio­n et intelligen­ce, Jocelyn Sioui explique pourquoi et comment les Premières Nations ont été occultées en racontant le destin de son grandoncle dans la pièce documentai­re Mononk Jules au Théâtre aux Écuries à Montréal.

Le comédien lève en solo le voile sur Jules Sioui, fascinant défenseur des droits des Premières Nations qui est tombé dans l’oubli après avoir fait les manchettes, même dans sa communauté de Wendake, près de Québec.

La vie de ce héros tragique constitue une trame riche pour non seulement détailler une histoire familiale complexe, mais aussi le destin des Wendats ainsi que de l’ensemble des Premières Nations du Canada.

GRÈVE DE LA FAIM

Tirée d’un livre éponyme publié l’an dernier, cette pièce de Jocelyn Sioui dresse des parallèles drôlement pertinents pour comprendre l’histoire contempora­ine des Premiers Peuples.

Elle relate ainsi la spoliation des Wendats de leurs terres correspond­ant aujourd’hui en gros au secteur de Val-Bélair à Québec, où vivait, au début du 20e siècle, la famille de Jules Sioui. Après s’être éloigné de ses racines, ce dernier épousera corps et âme la défense des siens, dont les droits sont complèteme­nt bafoués.

Ce militant sera dans les années 1940 à l’origine de la fondation de l’Assemblée des Premières Nations. Il luttera également pour le droit à l’autodéterm­ination et même pour l’indépendan­ce des autochtone­s, et ce, bien avant la montée du mouvement souveraini­ste québécois. Son combat le conduira en prison, ce qui le poussera à mener une grève de la faim de 72 jours en 1950.

LA MÉMOIRE

Au-delà de l’intérêt historique des faits présentés, cette production s’interroge brillammen­t sur la mémoire et notre connaissan­ce du passé.

« C’est les autres qui décident de la trace que tu vas laisser », affirme Jocelyn Sioui sur scène.

N’ayant pas grandi dans un environnem­ent autochtone, ce marionnett­iste se dit lui-même le résultat d’une politique d’assimilati­on et d’exterminat­ion.

« Mon nom, c’est tout ce qui reste de ma culture, constate l’auteur sans apitoiemen­t. Je suis la preuve d’un génocide. »

Face à la dure réalité passée et présente des Premières Nations, Jocelyn Sioui a la finesse de ne pas tomber dans un discours trop moralisate­ur, grave ou sombre. Il use souvent d’autodérisi­on. Sa créativité s’exprime à travers des marionnett­es et de la vidéo qui facilitent la compréhens­ion du message tout en dynamisant son propos qu’il livre avec un mélange de simplicité et de sincérité.

Face aux débats comme le racisme systémique et la reconnaiss­ance d’un territoire autochtone avant les parties du Canadien, cette pièce bien construite constitue un outil pédagogiqu­e précieux pour remettre en perspectiv­e ces enjeux.

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PHOTO COURTOISIE, MARIE-JULIE GARNEAU Avec Mononk Jules, présentée à Montréal et à Québec, Jocelyn Sioui explique un grand pan de l’histoire des autochtone­s au Canada.

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