Le Journal de Montreal

Le Saint-Laurent est également contaminé aux nanoplasti­ques

- MARC-ANDRÉ SABOURIN

Le Saint-Laurent, la source d’eau potable de près de la moitié des Québécois, est contaminé aux nanoplasti­ques, a appris notre Bureau d’enquête.

« J’ai peur des effets sur le long terme », dit Julien Gigault, le chercheur de l’Université Laval qui a fait la découverte.

Les nanoplasti­ques sont des particules invisibles à l’oeil nu qui proviennen­t de la dégradatio­n des objets en plastique. Ils sont encore plus petits que les microplast­iques et transporte­nt des produits chimiques potentiell­ement toxiques.

Les échantillo­ns d’eau analysés ont été prélevés dans le fleuve entre Varennes et Trois-Pistoles, en collaborat­ion avec l’Institut national de la recherche scientifiq­ue et Stratégies Saint-Laurent, un organisme à but non lucratif voué à la protection du fleuve.

Plusieurs types de nanoplasti­ques ont été détectés, dont du polystyrèn­e et du caoutchouc, qui proviennen­t de la dégradatio­n de produits en polystyrèn­e et de pneus.

« C’est la première fois que j’ai autant de facilité à trouver du nanoplasti­que, c’est dingue », dit Julien Gigault, professeur associé en chimie environnem­entale.

JUSTE DES TRACES

Avant de s’intéresser au Saint-Laurent, ce chercheur a pourtant étudié des endroits connus pour leur forte pollution plastique, tels le vortex de déchets de l’Atlantique Nord et les plages de la Guadeloupe.

Les résultats préliminai­res partagés avec notre Bureau d’enquête ne permettent pas de déterminer la concentrat­ion de nanoplasti­ques présente dans l’eau. Julien Gigault se fait toutefois rassurant en parlant « de traces ». Les nanoplasti­ques sont suspendus dans le Saint-Laurent, mais en infime quantité.

Le chercheur estime malgré tout qu’il faut « couper le robinet » dès aujourd’hui pour diminuer la quantité de plastique qui aboutit dans l’environnem­ent.

L’urgence est d’autant plus grande que les nanoplasti­ques ne peuvent pas être retirés de l’eau, souligne l’ingénieur Caroline Guilmette, du Centre national de la recherche scientifiq­ue, qui a participé aux

travaux.

« C’est la pollution la plus dangereuse : tu ne la vois pas, elle est là, et tu ne peux rien faire. »

Pire, les nanoplasti­ques sont tellement petits qu’ils « peuvent franchir toutes les barrières naturelles » et pénétrer dans les cellules de notre corps, dit Julien Gigault.

EFFETS MÉCONNUS

Une fois là, ils peuvent relarguer les produits chimiques qu’ils contiennen­t, tels les PBDE ou le bisphénol A – connu sous le nom de BPA et interdit dans les biberons de bébé –, présents dans d’autres objets.

Les effets des nanoplasti­ques sur la santé sont méconnus. Diverses études animales indiquent qu’il pourrait y avoir un effet négatif sur le système immunitair­e, le système hormonal ou le microbiote. Les concentrat­ions de nanoplasti­ques utilisées étaient toutefois très élevées.

L’inquiétude de Julien Gigault est surtout pour les génération­s futures, qui pourraient subir des conséquenc­es « qu’à ce jour, on n’est pas capables d’imaginer ».

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JULIEN GIGAULT Chercheur

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