Le Saint-Laurent est également contaminé aux nanoplastiques
Le Saint-Laurent, la source d’eau potable de près de la moitié des Québécois, est contaminé aux nanoplastiques, a appris notre Bureau d’enquête.
« J’ai peur des effets sur le long terme », dit Julien Gigault, le chercheur de l’Université Laval qui a fait la découverte.
Les nanoplastiques sont des particules invisibles à l’oeil nu qui proviennent de la dégradation des objets en plastique. Ils sont encore plus petits que les microplastiques et transportent des produits chimiques potentiellement toxiques.
Les échantillons d’eau analysés ont été prélevés dans le fleuve entre Varennes et Trois-Pistoles, en collaboration avec l’Institut national de la recherche scientifique et Stratégies Saint-Laurent, un organisme à but non lucratif voué à la protection du fleuve.
Plusieurs types de nanoplastiques ont été détectés, dont du polystyrène et du caoutchouc, qui proviennent de la dégradation de produits en polystyrène et de pneus.
« C’est la première fois que j’ai autant de facilité à trouver du nanoplastique, c’est dingue », dit Julien Gigault, professeur associé en chimie environnementale.
JUSTE DES TRACES
Avant de s’intéresser au Saint-Laurent, ce chercheur a pourtant étudié des endroits connus pour leur forte pollution plastique, tels le vortex de déchets de l’Atlantique Nord et les plages de la Guadeloupe.
Les résultats préliminaires partagés avec notre Bureau d’enquête ne permettent pas de déterminer la concentration de nanoplastiques présente dans l’eau. Julien Gigault se fait toutefois rassurant en parlant « de traces ». Les nanoplastiques sont suspendus dans le Saint-Laurent, mais en infime quantité.
Le chercheur estime malgré tout qu’il faut « couper le robinet » dès aujourd’hui pour diminuer la quantité de plastique qui aboutit dans l’environnement.
L’urgence est d’autant plus grande que les nanoplastiques ne peuvent pas être retirés de l’eau, souligne l’ingénieur Caroline Guilmette, du Centre national de la recherche scientifique, qui a participé aux
travaux.
« C’est la pollution la plus dangereuse : tu ne la vois pas, elle est là, et tu ne peux rien faire. »
Pire, les nanoplastiques sont tellement petits qu’ils « peuvent franchir toutes les barrières naturelles » et pénétrer dans les cellules de notre corps, dit Julien Gigault.
EFFETS MÉCONNUS
Une fois là, ils peuvent relarguer les produits chimiques qu’ils contiennent, tels les PBDE ou le bisphénol A – connu sous le nom de BPA et interdit dans les biberons de bébé –, présents dans d’autres objets.
Les effets des nanoplastiques sur la santé sont méconnus. Diverses études animales indiquent qu’il pourrait y avoir un effet négatif sur le système immunitaire, le système hormonal ou le microbiote. Les concentrations de nanoplastiques utilisées étaient toutefois très élevées.
L’inquiétude de Julien Gigault est surtout pour les générations futures, qui pourraient subir des conséquences « qu’à ce jour, on n’est pas capables d’imaginer ».