La compétence est-elle un critère ?
J’ai apprécié que mon confrère Michel David aborde ce thème pour éclairer la terrible tragédie dans les CHSLD au début de la pandémie.
L’enquête de la coroner Géhane Kamel et surtout le rapport de la Protectrice du citoyen, Marie Rinfret, sur l’hécatombe qui a tué 4000 résidents âgés dans les CHSLD de toutes les horreurs nous obligent à chercher les responsables de ce qui s’inscrit dans une page noire de l’histoire du Québec.
Alors que l’on entre dans une année d’élection – l’élection se tiendra en octobre 2022 – toutes les enquêtes qui pourraient être menées afin que jamais pareille catastrophe ne se reproduise seront contaminées. En effet, déjà traumatisés par les sondages qui confirment l’avance irréversible du gouvernement caquiste, les partis d’opposition tenteront le tout pour le tout afin de gruger des voix à la CAQ et de gagner ainsi quelques sièges.
Dans ce contexte, comment envisager une enquête publique où les participants auront à coeur d’abord et avant tout l’intérêt public ? À quoi, dites-moi, ont servi les mois interminables de la commission Charbonneau ?
Souhaite-t-on une flagellation collective ?
CULPABILITÉ ?
Trouver des coupables de cette dérive du début de la pandémie est moins simple qu’il n’y paraît. En fin de compte, le gouvernement est responsable des décisions prises en son nom. Mais sans la compétence des hauts fonctionnaires et des cadres de niveau inférieur, il demeure prisonnier en quelque sorte de ces employés de l’État.
Or la bureaucratisation au Québec est pharaonique. Nous avons créé un système de déresponsabilisation systémique. Nous ne sommes que huit millions et demi d’habitants. Cependant, la complexité de nos systèmes d’éducation et de santé donne à penser que nous serions plutôt quinze ou vingt millions. Qui ne s’est pas buté aux attentes téléphoniques interminables pour parler à un employé ? On est loin du slogan nostalgique où l’on était « six millions, faut se parler ».
Bref, notre monde est déshumanisé.
Dans nos services publics, personne ne semble incompétent. Ou plutôt, l’incompétent, c’est le subalterne ou le supérieur. Nous n’avons pas besoin de club de baseball, car nous renvoyons toujours la balle à quelqu’un d’autre.
DÉNI DE RÉALITÉ
On refuse aussi le principe de compétence, car il faudrait admettre que nous ne sommes pas tous égaux et donc qu’il y a des gens plus doués, plus instruits ou plus vaillants que d’autres. Le gouvernement Legault a certes été, comme tous les Québécois, atterré par ces morts inutiles à cause de l’incurie et du déni de réalité des responsables de CHSLD. La ministre de la Santé d’alors Danielle McCann a paru décontenancée lors de certains points de presse et le Dr Arruda a semblé, lui, se contredire.
Or, la pandémie n’est pas terminée. Et à l’approche d’une élection ne serait-il pas imprudent, voire irresponsable, de mettre maintenant sur pied une commission d’enquête qui tournera vite en psychodrame et en foire d’empoigne politique ?
Les Québécois sont plus perturbés qu’on ne voudrait le croire par ces années d’anxiété où la mort a rôdé. Souhaitons-nous collectivement que le Québec entier explose ? Déjà que la campagne électorale a commencé avec ses excès verbaux, ses bassesses et ses demi-vérités. Même les plus compétents n’y échappent guère, hélas !