Un échec politique et policier monumental
L’occupation d’Ottawa par un soi-disant « convoi de la liberté » en est à son 12e jour. Depuis 12 jours, la capitale nationale d’un pays du G7 est assiégée par des voyous délirants venus « exiger » la fin des mesures sanitaires et le renversement du gouvernement Trudeau.
En cela, l’échec politique et policier est monumental. L’échec est celui du maire d’Ottawa, de son chef de police et des premiers ministres Doug Ford et Justin Trudeau. Que personne, en amont, n’ait songé à ériger un périmètre de sécurité autour du parlement pour empêcher des centaines de mastodontes d’acier de s’installer à demeure est ahurissant.
Car les conséquences de cet échec sont lourdes. Des méfaits ont été commis. Du haut de leur masculinité préhistorique, des « manifestants » ont fait résonner leurs gros klaxons 24/7. Leur but : harceler les résidents et crier au monde leur « mission » de libérateurs autoproclamés.
Sous le nez bouché des policiers, ils se sont fait livrer nourriture, essence, matériaux en tous genres et même des saunas ! Ne manquait plus qu’un club portatif de danseuses.
Depuis 12 jours, ces faux « patriotes » d’extrême droite arborent fièrement des croix gammées, des drapeaux confédérés et du Ku Klux Klan, de même que d’immenses bannières à l’effigie de leur Dieu, Donald Trump.
L’aréopage d’antisémites, de suprémacistes blancs, de complotistes et de fondamentalistes chrétiens est ubuesque. Idem pour les organisateurs, autres chantres trumpiens, dont le convoi fut financé, au pays et de l’étranger, par les mêmes réseaux.
INSURRECTION
L’ex-gouverneur de la banque du Canada, Marl Carney, en fait le constat brutal. Dans le Globe and Mail, il écrit qu’il s’agit non pas d’un combat pour la « liberté », mais de « sédition » et d’une « insurrection » visant à déstabiliser la démocratie canadienne. Bref, une forme de terreur.
En cela, l’échec des autorités est gravissime. En laissant les camions s’installer à demeure, de par le monde et de par le caractère spectaculaire du siège, ces « manifestants » ont joui d’une très grande visibilité.
Depuis l’insurrection du 6 janvier 2021 au Capitole, c’est leur plus grande victoire propagandiste. En plus des médias traditionnels sur lesquels ils vomissent, mais n’ont d’autre choix que de rapporter la nouvelle, il faut voir l’impressionnante diffusion en boucle des milliers d’images prises par les « manifestants » eux-mêmes. Toutes diffusées sur le web et reprises par diverses « antennes » et réseaux de l’extrême droite à travers l’Occident.
VICTOIRE PROPAGANDISTE
On y présente le convoi comme celui d’un combat sacré contre les « élites corrompues ». Quand Trump appuie le convoi publiquement tout en traitant Justin Trudeau de « lunatique d’extrême gauche », il donne aussi au siège d’Ottawa son sceau personnel d’approbation.
Pour le noyau dur du convoi, c’est l’équivalent d’une bénédiction papale pour n’importe quel curé.
Le vrai problème, il est là. Galvanisés par leur siège « victorieux » d’Ottawa, les messies autoproclamés de l’extrême droite pourront d’autant mieux accélérer leur recrutement et raffiner leurs méthodes.
Dans l’arène politique au pays, ils pourront aussi compter sur les Maxime Bernier, Éric Duhaime et Pierre Poilièvre, qui s’y sont tous collés prestement.
Ce n’est pas parce que le Canada n’est pas en danger de basculer dans le délire d’extrême droite qu’il n’y a pas lieu d’agir plus activement face à sa montée, ici comme ailleurs en Occident.
Si le siège d’Ottawa n’allume pas nos voyants rouges, c’est à se demander ce qui pourrait bien le faire. C’est pourquoi il n’aurait jamais fallu laisser entrer des centaines de camions au centre d’Ottawa.
Ce que François Legault, le maire de Québec, Bruno Marchand, et son chef de police, avant l’arrivée d’un autre « convoi » devant l’Assemblée nationale, ont heureusement compris.