Quand la vie prend son temps...
Conduis mon char (Drive my Car en version originale) possède un rythme, perceptible dès les premières scènes. Celui d’un couple qui parle doucement, elle, Oto (Reika Kirishima), est scénariste pour la télévision japonaise, lui, Yusuke (Hidetoshi Nishijima) est acteur et metteur en scène. Il doit aller siéger sur un jury, mais son vol est annulé.
Et lorsqu’il rentre à l’improviste, elle est avec un autre. Or, il choisit de refermer tout doucement la porte du domicile et de retourner à son hôtel. Pourquoi ce silence ? Pourquoi cette douceur entre eux deux, teintée d’une douleur sourde dont l’origine nous échappe un moment ?
Car Conduis mon char prend son temps – le long métrage dure 179 minutes –, s’étire, se déroule comme le fil de la vie qui passe. Au détour de chaque plan, de chaque expression de visage, le réalisateur Ryusuke Hamaguchi capte avec adresse et une inimitable poésie la fugacité d’une révélation qui nous permet de saisir l’un des morceaux du casse-tête qu’il nous offre.
CRESCENDO
La vie ne vaut que par la qualité des relations qu’on y noue, par la qualité de l’intimité développée avec autrui. En allant monter Oncle Vania, la pièce d’Anton Tchekhov, à Hiroshima, Yusuke décide de la faire jouer en plusieurs langues et de transcrire le rôle d’Elena en langage des signes. Par ailleurs, pour des questions d’assurance, il se retrouve obligé de se faire conduire par Misaki (Toko Miura). Et forme avec la jeune femme un lien qui les fera se confier l’un à l’autre.
Avec beaucoup de discipline et de grâce, Hamaguchi épure ses plans afin de laisser les acteurs et leurs répliques prendre toute la place, car le sujet est grave puisqu’il aborde le deuil, l’art et l’amour. Grand favori en cette saison de prix cinématographiques, Conduis mon char est un long métrage fascinant dont l’attrait surprend par sa force et s’accroît à chaque scène.
Conduis mon char prend l’affiche lors de la réouverture des salles de cinéma, le 7 février.
Conduis mon char
Un film de Ryūsuke Hamaguchi Avec Reika Kirishima, Tôko Miura et Masaki Okada